Journal intime de Geovani Meledje/ Sophie : une jeunesse macabre
Sophie, tout comme Elodie (Sylvestres Ourega) est le symbole d’une race qui s’effrite en sacrifiant son innocence sur l’autel de la modernité. L’enfance meurt avant l’heure. L’adulte se perd dans un tunnel sans fin. La jeunesse s’acharne sur un présent qui ne sera jamais demain et qui oublie que hier est passé. C’est une jeunesse ivre de vilénies qu’il nous est donné de contempler avec toute la désolation qui s’ensuit…
Elle écrit ses rêves et ses désillusions. Est-elle écrivaine ? Non, juste une enfant qui écrit sa petite vie dans son journal intime. Journal dont elle est l’autrice et l’unique lectrice. Malheureusement pour Sophie, Giovanni Meledje va nous ouvrir ce journal intime. Que peut bien contenir d’intéressant le journal d’une enfant de 13 ans ? On s’imagine qu’elle nous parle de papa et maman, de ses copines de l’école, de ses rêves d’ado, de …de et de … malheureusement l’enfant est mort avant l’heure. Une découverte des plus macabres. Après « Scandales d’Amour », c’est un autre scandale que Giovanni met en exergue, celui de la question de la dépravation des mœurs.
« Aujourd’hui treize mars, j’ai tenté d’expliquer à mon père les raisons de la grève des enseignants. Je ne sais pas si j y suis arrivée. J’ai fait la cuisine avec ma mère. Mon père a apprécié et cela m’a fait plaisir… » Le journal de la petite est ouvert. Rien de surprenant, c’est une enfant qui parle parle des choses de son âge. Assez intéressant de savoir qu’elle s’intéresse déjà à la cuisine, ce qui n’est l’apanage de toutes les jeunes filles de son âge. Sophie est une enfant studieuse et respectueuse ; ses parents lui portent une confiance infaillible. En classe de 5ième, la petite ado a une amie Ouyo. Une jeune fille assez posée dans la tête. Sophie l’aime bien. Quand on a treize ans, de qui on peut parler dans son journal sinon de sa meilleure amie ?
Aux yeux de papa et maman, Sophie était la même. La petite studieuse. Pour preuve, avec brio, elle l’obtient son BEPC au bout de deux années d’études ; elle avait alors 15 ans. Et pourtant, durant trois ans, l’enfant a grandi. Son cœur avait connu des battements oppressants. Son corps avait déjà connu les secousses du jardin d’éden. Elle avait connu Pierre, son premier amour, celui par qui elle visitera les brumes de l’amour. Pierre, son péché originel, l’homme, que dis-je, l’enfant qu’il ne fallait pas aimer… elle a seulement treize quand elle conte ses danses nocturnes avec cet enfant dans le journal. Le lecteur est scandalisé ; on dira plutôt la lectrice, sa mère. Sa pauvre mère doit se serrer les entrailles quand elle découvre par le biais du journal de sa fille, l’offrande qu’elle fait de son corps aux hommes moyennant le bien matériel ou le succès à l’école. Toutes les mutilations qu’elle a fait subir à son corps et à son utérus scandalisent quand on sait qu’elle n’a que 15 ans. Entre 13 et 15 ans, Sophie a fait l’amour sans amour. Elle a réalisé ses fantasmes avec des hommes beaucoup plus âgés ; à 15 ans déjà elle pouvait faire un bilan de sa vie sentimentale. Wahou ! On n’est pas au bout de ces surprises pourtant.
« Écrire est un besoin pour chacun. C’est la forme la plus haute du besoin de communication » dixit Sartre. L’enfant avait assurément besoin de parler, de communiquer, de raconter à sa maman ses amourettes en vue de se laisser guider par les conseils de cette dernière. Malheureusement, elle n’a pas bénéficié d’un soutien avisé dans cette étape sensible qu’est l’adolescence. Doit-on lui en vouloir pour cette dérive alarmante ? C’est aussi le lieu pour les parents de réaliser le besoin de communication de leurs enfants. L’auteur, par le personnage de Sophie, tend le micro à chacun afin de se faire sa propre opinion du scandale que vit notre société actuelle sur la mort des vertus. On ne se lassera jamais d’en parler.
Avec notre auteur, on va de scandale en scandale, fort heureusement que sa plume n’en est pas un. Le roman jouit d’une « intime » adéquation dans la structuration des paragraphes. Il demeure surtout un « journal » fidèle au réalisme. Le style est simple et promptement accessible.
SOPHIE, c’est l’enfant qu’on laisse trop vite grandir dans l’essaim des réalités trop crues de la vie, sans attention. SOPHIE, c’est l’obédience à un passé qui pourtant reste à jamais dans un coin de l’armoire oubliée. Sophie, c’est tuer le tabou et adapter l’éducation aux réalités présentes. « Journal intime » de Giovanni Meledje est une invitation à sauver une jeunesse en proie aux vices.
Atté Sostène
Journal intime (Giovanni Melèdje), roman, éditions maïeutique 2014
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