LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE 2

Roman d’aventure ? Roman autobiographique ? Roman d’espionnage ? Ou peut-être tout à la fois ? Une chose est sûre : le livre d’Isabelle Rochet se laisse difficilement coller une estampille. « La Rescapée de Cocody » son ouvrage, publié aux éditions L’Hamattan pourrait s’inscrire à la fois dans la famille du roman d’espionnage et du thriller.

A travers un récit autodiégétique, la narratrice, dès les premières pages nous invite à la suivre dans ses odyssées à travers le monde des études et du travail. Ses études se passent brillamment. Elle est studieuse et manifeste une soif de réussir, une boulimie pour la connaissance. Elle veut connaitre le monde et du monde. Interprète ! Voilà le métier qu’il lui faut pour assouvir ses rêves. Intelligente, brillante et belle, elle réunit les atouts pour intégrer une structure.

Sans vraiment l’avoir prévu, sans en avoir rêvé, elle se retrouve, presqu’à son insu parmi les recrues de la CIA. Chez des privés ou avec le gouvernement, Adélaïde Haucourt, notre narratrice tire son épingle de jeu. Mais dans ce milieu où chaque geste et chaque parole sont décryptés, elle doit faire son chemin, avancer, ménager les susceptibilités. Des yeux l’épient, la jugent, la soupèsent, prêts à la condamner. Elle fait la connaissance de l’univers de la politique et de l’armée avec son code, son rituel, ses interdits. Au fil des pages, les missions se succèdent et les risques de choir se multiplient sournoisement.

La narratrice, observatrice et concentrée décode tous les signes de son environnement. Elle ne se lasse pas de brosser le portrait de ceux qui l’approchent et de faire des descriptions des lieux qui l’accueillent. Sensible et éprise de liberté et de découverte, des idylles lui ouvrent les bras. Idylles souvent fragiles et éphémères. De toutes ses rencontres amoureuses, elle n’a pu construire un édifice durable. Les hommes surgissent dans sa vie puis disparaissent. Heureuse souvent, déçue parfois, elle connait les onces et les goûts de la vie. Ravissement et tristesse se succèdent. La vie c’est bien « de grandes joie vite effacées par d’inoubliables chagrins, mais que même si l’existence peut parfois sembler absurde et vide de sens, la vie fini inévitablement par reprendre le dessus » (p 162).

Pour une jeune dame, mobile et surtout, portée vers un autre ailleurs, la vie est comme une aventure, une fuite. Est-ce un hasard si elle a fini par devenir une interprète ? « Le choix de cette vie professionnelle itinéraire n’est-il pas le reflet d’une fuite en avant ? » (P 169) se demande-t-elle à juste titre.

La saveur du roman d’Isabelle Rochet réside dans son style d’écriture. Coulant et haletant est son style. La langue est accessible, dépouillé. Le vocabulaire reflété un esprit cultivé, ouvert. Dans ce récit mêlant aventures amoureuses et complexités du métier d’interprète doublé de celui de l’espionnage, le lecteur se sent happé. Il court avec la narration, pressé de découvrir la suite, emporté par l’enchainement des évènements. Les scènes de tensions se multipliant, le lecteur oscille entre angoisse et répit, doute et satisfaction au rythme de la vie de la narratrice. L’auteur souvent aménage des séquences de suspense comme le ferait un auteur de thriller.

Dans ce roman à relent autobiographique, Isabelle Rochet, l’Africaine, s’adonne à un exercice de rétrospection pour se découvrir et mieux se connaître. Dans cette veine, elle se laisse aller sans pudeur, mettant à nu ses doutes voire ses échecs. L’évocation de la fragilité de ses relations amoureuses procède d’une volonté de ne rien cacher.

La Rescapée de Cocody est aussi une invitation à parcourir le monde pour y découvrir le versant du monde officiel, les « secrets » du fonctionnement du monde de la politique et de l’espionnage. Avec une sincérité et une incroyable sensibilité, Isabelle Rochet, met à la disposition des lecteurs un roman original tant par le style d’écriture que par la philosophie qui le sous-tend.

Elvis Apra

La Rescapée de Cocody (Isabelle Rochet), ed. L’Harmattan, roman, 20015