LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE 2

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« Mélédouman » de Tiburce Koffi : LA PERTINENTE QUESTION IDENTITAIRE DE JEAN MARIE ADIAFFI SOUS LA PLUME DRAMATIQUE DE TIBURCE KOFFI

 

      Le théâtre est le carillon le plus accessible pour tirer la sonnette d’alarme à propos des tares sociétales. Le chemin le plus court et le plus expressif. C’est justement pour cela que Tiburce Koffi, s’inspirant du roman ‘’La carte d’identité’’ de Jean Marie Adiaffi, souligne de deux traits rouges la patibulaire question identitaire en Afrique. Assurément le choix du texte dramatique n’est pas fortuit dans la démarche de son livre ‘’Mélédouman’’.

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       On sait la portée littéraire et socioculturelle qu’a eue ‘’la carte d’identité’’ de Jean Marie Adiaffi, édité en 1980, dans les sociétés africaines ébranlées par le colonialisme. Cette quête d’identité s’enracine dans le pèlerinage profond et philosophique du ‘’moi’’. Loin d’accepter ou de quémander une identité bonnement injectée dans les veines de quelques lettres d’alphabets inertes sur du papier, l’on est invité plutôt, à comprendre que la véritable identité se trouve dans notre terre natale, dans nos traditions et coutumes. Car le papier lui-même est tiré du bois qui est la substance d’un arbre. Le papier est donc une certaine dilution de la réalité naturelle. Le personnage principal, Mélédouman, d’Adiaffi est, en effet, le personnage référence. Celui qui incarne toute la vision et la visée de l’auteur. Et déjà en 1893, André Gide soutenait ce type de cheminement : «  j’aime assez qu’en une œuvre d’art on retrouve (…) transposé à l’échelle des personnages le sujet même de cette œuvre ».

Tiburce Koffi l’a si bien compris. C’est certainement la raison pour laquelle le livre ‘’Mélédouman’’ porte le nom du personnage principal. Le seul personnage, d’ailleurs, qui incarne toute la symbolique de l’œuvre dans ce « monothéâtre ».

          Mélédouman, le personnage principal d’Adiaffi, est conservé par Tiburce. Il  est sommé par Kakatika Lapine, le commandant de cercle de retrouver sa carte d’identité. Le prince Agni sera d’abord enchaîné et mis au cachot pour raison qu’il ignore. Ensuite il subira toute forme d’humiliations jusqu’à côtoyer la cécité, avant que l’on le libère pour retrouver sa carte d’identité en sept jours. Une véritable quête culturelle prédisposera son tapis à la démarche du prince.

          D’Adiaffi à Tiburce, l’intrigue est la même. La question identitaire reste encore un véritable souci dans nos sociétés africaines. L’on a cru que ‘’la carte d’identité’’ servirait de leçon. Et que la valorisation de nos traditions serait plus prisée que la civilisation imposée. Hélas ! Cette carte, ce petit papier, est malheureusement ce que le noir utilise pour soumettre son frère noir aux pires châtiments après ces ‘’Soleils d’indépendance’’. Mélédouman n’a-t-il pas porté pour nous la croix ? Il fallait que quelqu’un ait le courage de revenir sur cette question essentielle. Et c’est avec humilité, habité en filigrane par un certain complexe de Prométhée, que Tiburce eut l’honneur de poser à nouveau cette question phare.

        En faisant comme Adiaffi, Tiburce est allé au-delà. Loin du roman et de sa narration pléthorique, et vu que l’africain n’aime pas lire, Tiburce a opté pour un texte dramatique en monothéâtre. Un texte court et facile à lire dans une narration simple, prenante, rigoureuse et parfois mêlée d’humour. L’humour ? Oui de l’humour ! Il faut bien se marrer, cela est le rôle premier du théâtre : « Comment avez-vous été violé ? – Mon commandant je suis là pissé kê, épi un coup derrière moi, quelque chose fait piooooooo… » (p.16)  Le texte est destiné à être joué sur scène. Ainsi Tiburce donne la latitude à tous de comprendre le message, même à ceux qui ne savent pas lire… En écrivant de mèche avec le comédien interprète Ignace Alomo, c’est la vulgarisation du monothéâtre qui est visé.

         Des indices facilitent la lecture et favorisent la compréhension. « Tableau zéro ; Digression ; En prison ; Espace symbolique », constituent des indications spatio-temporelles. Chaque indication porte le nom de son essence. Ces différentes désignations  s’érigent en guide parfait.  

        La tentative d’absolutisation de la civilisation occidentale, par les missionnaires, au détriment de la culture traditionnelle africaine s’est heurtée à l’objection véhémente du roman d’Adiaffi. La question de la carte d’identité n’était qu’un prétexte  pour nier et dénier à l’Afrique l’existence d’une identité voire d’une civilisation. Cette synecdoque burlesque et honteuse a trouvé visage de bois. Car en plus de Jean Marie Adiaffi, Tiburce Koffi appose un refus catégorique à toute tentative d’acculturation, qui semble être, de la part de la métropole, une véritable invective.

 

Abdala Koné

Tiburce Koffi, Mélédouman, Nei-Ceda 2014

 



20/05/2015
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