LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE 2

LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE 2

« LE PECHE » : COMME TROIS BANDES NOIRES SUR SON SURVÊT

« C’est un beau livre et une histoire très triste à lire absolument (…) » avait lancé l’éditeur à la remise de LE PECHE avant que le hasard nous mette sur le chemin de Seydou Koné, l’auteur, qui était sûr de détenir un best-seller.

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Selon lui, les excellentes couvertures médiatiques, ses liens parentaux avec l’écrivain Amadou Koné et les nombreux plateaux télé en sont la preuve. Le tapis rouge déroulé, le caviar rêvé n’a pu prendre forme. Toute condescendance ravalée, le livre manque de rigueur, de fraîcheur et de lessive. 208 pages, c’est ce que nous sert le jeune auteur dans un ciel de fautes. Et on sent la nuit débuter dès les premières pages. Pourtant, l’histoire que raconte Seydou Koné est d’une mélodie sombre et pose la question de la dignité, de l’honneur. Le couple Bamba va mal depuis leur mariage car Bamba, l’époux, est stérile. Son ami de lycée Baro Yacou est supplié pour sauver le mariage. Famagan, enfant né de cet arrangement apprendra plus tard la nouvelle comme une bombe en éclat. Qu’arrivera-t-il à la famille ? Telle est l’épineuse vie-traite que partage avec nous Seydou. Mais comment s’y prend t-il ?

 

La préface

Elle est la sauce du livre. Si elle est bien assaisonnée, elle sert à donner de l’appétit et dispose à dévorer l’ouvrage. Celle de LE PECHE dézone déjà dès les premières lignes. Elle est le fruit de l’auteur lui-même (lui seul doit en connaître la raison) qui parle avec un « moi » plutôt maladroit. « Je commence à me rendre compte que ce n’était pas un hasard lorsque mes amis de lycée me surnommait le ‘futur écrivain’. (…) J’étais non seulement un élève brillant, mais également parce que je suis le neveu du célèbre écrivain Amadou Koné. » Des précisions de 16è zone qui n’ont pas leur place. Et pour la seule préface d’une page, l’auteur nous gratifie de son talent à démontrer coup sur coup que l’écrivain Amadou Koné est bien son oncle en citant quatre fois son nom avec l’adroite précision qu’on lui connaît. « Amadou Koné (…) nous rendait visite à Ayamé », « J’ai été influencé par la personnalité de [mon oncle] Amadou Koné » et de finir par cette phrase plutôt inquiétante « (…) je voudrais modestement être vu comme [mon oncle] »

 

Un fond de caisse

L’écriture est à revoir dans sa globalité. Le jeune auteur pèche dans son rendu. Car la finesse n’est pas au rendez-vous. Et l’ouvrage est livré avec une grande saison légèretés linguistiques… A la page 11 seulement, on peut lire : « Baro Yacou, son voisin de chambre, était quelqu’un d’inconscient », « Tandis que ses camarades de l’internat se souciaient de leur examen de fin d’année en s’adonnant sérieusement aux études, Baro Yacou prenait le maximum de plaisir à visiter à des heures tardives les bandjidromes, les bordels installés dans la ville d’Abadoukro. »  Aux pages 12, 13, 18, 19 et 22, on peut lire étonnement dans l’ordre « Arrêté sur le tapis de prière, des Allah Akbar sortaient constamment de la bouche [de Bamba]», « Bamba venait d’achever sa toilette », « Il n’hésitait pas à poser des kyrielles de questions… », « Celui-ci ne s’intéressait jamais aux choses essentielles de la vie, c’est-à-dire le sexe et l’alcool », « Elle se confessa à Bamba. » et « Bamba exerçait ce djossi (…) » Il encense davantage le clou à la page 21 « La voix du [professeur] jadis douce se métamorphosa. Il se mit à blasphémer, à injurier les élèves qui l’écoutaient sans broncher. » ou à la page 96 « Il pénétra dans l’enceinte de la compagnie qui était très vaste. » ou mieux encore, à la page 131 « Cousin, tu n’as pas tort ! »   

 

Une panoplie d’histoires qui se succèdent maladroitement comme dans un extrait de film

C’est le plus gros péché de LE PECHE. Seydou Koné a voulu « tout dire » sur 208 pages comme s’il n’allait plus jamais écrire. Et l’électrocution qui suit cette démarche est bien l’enchaînement maladroit des histoires. Comme un recollement de Nouvelles qui ne se ressemblent pas et qui s’entrechoquent violemment, parfois aidé par des connecteurs qui malheureusement ne font pas le poids. Tous les paragraphes embrassent malencontreusement cette fausse note avec l’utilisation parfois abusive de « en effet » A la page 13, il écrit : « Bamba venait d’achever sa toilette. Il mit ses vêtements d’école. En effet, Bamba n’aimait pas beaucoup son quartier Sokoura. Il le trouvait étrange dans la ville d’Abadoukro (…) » Idem à la page 36 « (…) En effet, au moment où « les seigneurs de la répression » s’affairaient à descendre de leurs cargos, des individus rusés avaient superposé horizontalement des briques contre le mur. (…) Comme un margouillat, l’homme au discours révolutionnaire se mit à grimper avec facilité la clôture. »

 

Du ramassis de clichés mal exploités

Le presque « sans effet » réside justement dans l’exposition des clichés que l’auteur dépièce mal. « Je suis fier de t’entendre. » (Page 28), « Jamais il n’en avait vu de pareille. » (Page 29) ou encore « Le stade se vidait de sa substance humaine progressivement » (Page 33). La liste des clichés est longue. Et leurs contenus sont parfois noyés de fautes de grammaire ou de conjugaison, de vocabulaire ou de ponctuation : « Les membres associés qui s’affairaient à, quitter le stade s’installèrent à nouveau » (Page 32), « Ces riches oublient que c’est Allah, que c’est Dieu qui donne la richesse à qui il veut et quand il veut. ».

Loin de toute controverse, l’essence du livre se perd quand le jeune auteur se méprend à rapporter une pluie de petites affaires de sabots d’arrêts avec en option la démonstration abusive de son appartenance à la famille de l’écrivain Amadou Koné. Et honnêtement, sans aucune ironie, ce livre aurait bien fait 100 bonnes Nouvelles pour tous ces nombreux thèmes que l’auteur aborde même hors contexte. Et pour l’auteur, il serait bon, même si cela relève du génie, qu’il descende un peu sur terre.    

 

Manchini Defela

 



20/07/2014
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