LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE 2

LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE 2

Interview de Kodzo Adzewoda VONDOLY, Directeur des Editions Continents

Kodzo Adzewoda VONDOLY, écrivain togolais, est depuis quelques années le patron des éditions Les Continents, après avoir animé comme journaliste la vie éditoriale de plusieurs rédactions de la presse écrite au Togo entre 2007 et 2014. Incontournable, il l’est à force d’abnégation, sur le front culturel de son pays. Dans cette interview, il nous parle d’édition et de littérature.

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Pouvez-vous vous présentez aux lecteurs Ivoiriens ?

Je me nomme Kodzo Adzewoda VONDOLY, journaliste, éditeur, mais avant tout, auteur écrivain. J’ai animé la vie éditoriale de plusieurs rédactions de la presse écrite au Togo entre 2007 et 2014, entre autres, les hebdomadaires privés LE DAUPHIN avec le titre de rédacteur en chef et reporter, LE TRIANGLE DES ENJEUX en tant que Secrétaire de rédaction et puis ACTU EXPRESS comme journaliste reporter. Je me suis imposer une pause dès le premier trimestre 2014, car mes charges du côté de la littérature ne me donnaient plus suffisamment de temps. En tant qu’auteur, j’ai sur le marché, quatre ouvrages poétiques à savoir LES ETOILES D’OUTRE-CIEL une anthologie de jeunes poètes togolais, préfacée par l’écrivaine française Hélène Estradère et parue aux Editions de la Rose Bleue en 2007, L’HYMNE D’UN PRINCE SANS ROYAUME paru en 2011 et préfacé par Robert DUSSEY, Conseiller diplomatique du Chef de l’Etat togolais et actuel ministre des affaires étrangères et de la coopération, LE MURMURE DES MARTYRS, paru aux Editions Continents en 2012 et préfacé par Magloire K. KUAKUVI, professeur de philosophie à l’université de Lomé et LES SECRETS DE PAUL AHYI en hommage à l’auteur du drapeau togolais, paru aux Editions Continents et préfacé par Me Joseph Kokou KOFFGOH, écrivain et ancien Premier Ministre du Togo. 

 

Vous êtres le patron des Editions Continents. Quelle est la ligne éditoriale de votre structure ?

Aux Editions Continents, notre ligne éditoriale est telle que nous acceptons tous les genres littéraires sauf ceux dont le contenu peut porter atteinte à la vie ou à l’honneur d’un citoyen, qu’il soit du Togo ou d’ailleurs. Nous n’avons pas de choix de nos auteurs, cela va sans dire que nous éditions toute personne ayant approché notre structure avec un manuscrit dont nous jugeons l’utilité du message véhiculé. Sur un autre plan de notre ligne éditoriale, la publication est à compte d’auteur, mais je peux vous assurer que 10% des œuvres éditées chez nous les ont été grâce à nos propres soutiens ou démarches auprès des mécènes. Donc parlant de la publication à compte d’auteur, plusieurs auteurs ont carrément jugé bon d’aller ailleurs, alors qu’au fond, nous arrivons à accompagner les auteurs d’une manière ou d’une autre afin que leurs manuscrits deviennent des œuvres éditées. Nous avons les preuves mais je tais les noms.

 

Le monde de l'édition est difficile. Alors qu'est-ce qui vous a poussé sur cette voie ?

C’est vrai, le monde de l’édition est très difficile. Mais c’est la volonté d’apporter ma modeste contribution à la promotion de la littérature au Togo et en Afrique qui m’a poussé à m’y mettre malgré toutes ses péripéties. J’ai mis cette maison d’édition sur pied le 1er juillet 2011, mais je vous assure que c’est en janvier 2013 que j’ai commencé par publier ou éditer des œuvres. Cela voudrait dire qu’il a fallu deux années pour chercher et réunir les moyens avant de pouvoir commencer par éditer des œuvres ! C’est vrai, en 2012, je publiais le tout premier livre LE MURMURE DES MARTYRS, mais c’était pour moi-même. Sinon, en toute réalité, ce secteur n’évolue pas bien au Togo car le manque de moyens fait que les éditeurs sont réduits à cette politique de publication à compte d’auteur. Alors si un auteur n’a pas de l’argent, son œuvre ne peut pas être publiée. Il y a des maisons où la publication est à compte d’éditeur, mais il y a des inconvénients que je me réserve de vous dire ici. Je vous demanderais simplement d’approcher Aminata Sow Fall du Sénégal qui vous instruira mieux (avec preuves à l’appui) sur les risques ou les dangers de la publication à compte d’éditeur.     

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Après quelques années d'exercice, quel bilan faites-vous en termes de publications ?

Les Editions Continents est dans sa quatrième année. Et à ce jour, nous avons publié au total 22 ouvrages composés de 12 recueils de poèmes, 2 romans, 1 recueil de contes, 2 pièces de théâtre, 2 essais, 1 recueil de nouvelles, un manuel juridique, et une biographie d’un artiste de la chanson. Nous avons en attente, plusieurs manuscrits qui peuvent se compter à plus d’une cinquantaine et que nous avons acceptés pour leur qualité.

 

La poésie, dit-on, a du mal à séduire les éditeurs africains. Est-ce votre cas ?

C’est vrai que le désintéressement du grand public à l’égard de la poésie a obligé la plupart des éditeurs à renoncer à publier les manuscrits qui leur sont souvent confiés. Ils préfèrent n’éditer des recueils de poèmes que lorsque les auteurs sont eux-mêmes prêts à investir dans la publication. «La poésie se vend mal», c’est d’ailleurs le slogan chez les confrères éditeurs au Togo. Mais je peux dire que j’ai brisé ce tabou en publiant en deux années seulement, 22 recueils de poèmes ! Même si ce n’est pas grand-chose, c’est quand même une marque de volonté de ne pas laisser les poètes dans le désespoir. Dans tous les cas, je n’ai jamais refusé des manuscrits sur la poésie. Ceci peut-être parce que je suis moi-même poète avant tout et je préside depuis six ans déjà, une association de poètes togolais qui a décidé le 30 août passé d’étendre ses activités à tous les pays africains. Donc ne soyez pas étonnés de voir dans les mois ou années à venir, cette association (le Cénacle) être représentée en Côte d’Ivoire afin de permettre aux auteurs de ce pays de se faire connaître. 

 

Souvent les rapports entre les écrivains et leur éditeur son tendus. En avez-vous fait les frais ?

Bien sûr que oui ! Pour certaines raisons qui sont la plupart du temps comprises, des auteurs peuvent créer des scandales. Mais le reste n’est que le résultat des malentendus que les deux parties peuvent ou doivent surmonter pour continuer la route, car entre l’éditeur et l’auteur, il ne doit pas avoir de querelles. Mais généralement, les rapports se dégradent entre les éditeurs et les auteurs parce qu’il y a d’autres éditeurs malintentionnés qui, pour faire ramener certains auteurs vers eux, se voient obligés de les monter contre leurs éditeurs initiaux. Au Togo, ce phénomène existe toujours. Je n’en ai jamais été victime en tant qu’éditeur mais j’en ai été témoin oculaire dans la maison d’édition où j’ai été formé de 2006 à 2009. Il s’agit des Editions de la Rose Bleue de l’ancien ministre togolais feu Ephrem Seth DORKENOO.

 

Dans votre position vous avez eu le temps de bien observer la littérature de votre pays. Quel regard portez-vous sur la littérature togolaise?

La littérature togolaise est arrivée à une étape de décollage avec une vitesse de croisière. Elle fleurit au jour le jour avec de nouveaux auteurs dont le talent est enviable. Mais comme aucune œuvre humaine n’est parfaite, je puis vous dire la main sur la conscience que la littérature togolaise a encore du pain sur la planche. Elle a ses hauts et ses bas. Mais je me réjouis du fait que et les acteurs et les auteurs ont pris conscience du mal qui ronge ce secteur qui de par le passé, était désert, sans aucun intérêt de la part du public lecteur. L’autre chose à déplorer pour notre littérature aujourd’hui, c’est qu’il y a une nouvelle génération de critiques qui confondent bien les choses, c’est-à-dire qu’ils ne distinguent pas les critiques littéraires des invectives à vocation tendancieuse. Lorsqu’un critique littéraire traite les membres d’une association de "bande" et prend une fraction de toute une œuvre (un seul vers de tout un recueil de poèmes par exemple) pour dénigrer son auteur, il y a péril en la demeure. Et c’est comme cela que la plupart de ces critiques ont fermé leurs gueules en moins de rien, malgré la pléthore d’ouvrages qui inondent le marché littéraire du pays. Mais je crois devoir dire que la littérature togolaise a devant elle un avenir prometteur.   

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Des critiques pensent que la littérature africaine a fait beaucoup de progrès au niveau mondial. Partagez-vous cet avis?

Oui, je partage cet avis d’autant plus que je suis éditeur et je sais à peu près combien d’ouvrages d’auteurs africains sont édité à la fin de chaque mois ou année. Mais il y a encore du travail à faire pour qu’à ces œuvres d’auteurs africains qui paraissent par centaine chaque année ou mois, le public africain aussi pauvre que dépourvu de toutes ses richesses, puisse avoir accès. Les œuvres paraissent, la plupart dans les maisons d’édition occidentales et compte tenu des frais d’édition, le prix de vente reste exorbitant, et les lecteurs se plaignent.  

 

On reproche aux gouvernants africains de ne pas faire assez pour la visibilité du livre. Que pensez-vous d'un tel grief?

C’est une réalité qu’en Afrique, des dirigeants dits intellectuels parce qu’instruits sur les bancs de l’école avec des livres, refusent de reconnaître la place du livre dans le développement de leurs sociétés ou nations. Ce qui est déplorable. Peu de ces gens accordent une importance à la promotion ou à la visibilité de la chose livresque. Sinon en Occident, les dirigeants injectent des fonds colossaux dans ce secteur car le livre participe à l’élévation de la pensée des populations. Il y en a qui demandent si le livre peut faire rentrer de l’argent dans leurs pays, car ils préfèrent les ressources naturelles qu’ils savent gérer grâce au livre !  

 

 Des livres des Editions Continents sont vendus dans les librairies ivoiriennes. N'avez-vous pas en projet de venir à la rencontre des écrivains ivoiriens ?

Oui, nous voudrions bien participer à la rencontre des écrivains ivoiriens, mais le problème, c’est que la communication autour de l’événement qui pouvait créer cette belle occasion, parait peu efficace. Il y a même échec dans la prise des contacts en Côte d’Ivoire dans ce cadre. C’est pour dire que nous souhaitons vivement participer à ce salon du livre qui s’y déroule chaque année mais cela dépendra des réponses des initiateurs qui tardent à nous parvenir lorsque nous nous adressons à eux, tant via la toile que par téléphone.

 

Avez-vous un message à lancer aux lecteurs africains ?

J’invite les lecteurs africains à s’intéresser aux œuvres publiées sur le continent. L’on ne peut évoluer sans lire. La lecture donne plus de plaisir à limer sa cervelle contre celle d’autrui que certains jeux inutiles auxquels s’adonnent aujourd’hui les africains, surtout les jeunes. L’on dit souvent que «pour cacher quelque chose à un africain, il faut le mettre dans un livre» pour dire que les africains n’aiment pas lire. Je veux qu’ils défient l’auteur de cette citation et cela y va de leur propre intérêt. Je profite de cette occasion pour remercier vivement votre rédaction. Les Editions Continents feront tout pour être votre un partenaire en cas de besoin. 

 

Je vous remercie, transmettez mes salutations aux écrivains et aux amis du livre du Togo.

A moi plutôt de vous remercier pour le travail que vous faites pour la promotion de la littérature africaine. Je ne manquerai pas de transmettre votre bonjour aux écrivains et amis du livre ici au Togo. Bonne chance et longévité à vitre organe.        

 

par Macaire Etty

In Le Nouveau Courrier du 10/10/2014



12/10/2014
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