LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE 2

LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE 2

Interview : Paricia Hourra, auteure de « Christelle ou le destin d’une esclave sexuelle »

Bien connue sur la toile comme une amoureuse de poésie, Patricia Hourra surprend tout le monde en publiant non une œuvre poétique mais un roman. Le souffle de la poétesse, cependant, se perçoit à travers les images qui peuplent son livre. La jeune juriste pour son premier livre aborde un sujet d’une profonde gravité : l’esclavage sexuel des Africaines dans l’hexagone. Ici elle répond sans complexe à nos questions.

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« Christelle ou Le Destin D’une Esclave Sexuelle », votre premier bébé  qui  vient de naître ainsi, nous rappelle quelque peu Le Paradis Français de Bandaman Maurice… pourquoi  il a plu à Patricia Hourra de lever une fois de plus , avec une plume , le voile sur ce phénomène de proxénète et en Europe ?

Ce phénomène est un véritable drame, qui  ruine de manière sournoise la vie de bien de nos sœurs  et nous nous devons d’en parler encore, et encore…Le faire sans relâche jusqu’à ce que nous sentions que les uns et les autres y sont suffisamment sensibilisés et que l’actualité sur la toile ne nous relate pas sans cesse de malheureuses expériences de femmes africaines croupissant dans les geôles givrées de la prostitution dans l’hexagone. En tant qu’écrivaine, je le ressens comme un devoir et je ne peux me dérober face à l’appel de ma conscience.

 

On vous découvre des talents de poète, avec la musicalité entre ‘’Christelle’’ et ‘’ sexuelle’’ …un prénom qui ne relève pas du hasard. QU’en dites-vous ?

Pour être sincère, je n’ai pas du coup établie une symétrie d’action, ni nourri  un souci de rimes  en faisant usage de ces deux lexiques. Mais comme vous le relevez à juste titre, c’est certainement le poète en moi qui dans les méandres de mon inconscience, m’a fait soupirer après cette musicalité. Merci d’y attirer mon attention.

 

Un titre qui choque, une image qui ne passe inaperçue. C’est tout un drame que vous traduisez sur la première de couverture. Pourquoi ?

C’est à dessein que la première de couverture présente cet aspect choquant. Pour ma part, le message véhiculé par l’œuvre est tellement important, tellement dramatique qu’il fallait à ce niveau déjà, annoncer les couleurs de sorte à donner envie de le découvrir. C’est ce qui justifie cette image de femme nue et ce titre débité  sans aucun voile.

 

Avec Christelle, le mariage de rêve qu’elle envisageait avec son Blanc a viré au drame. Que  doit-on comprendre sur la question du mariage en général, surtout avec  un parfait inconnu ?

Le mariage est une institution délicate dans la mesure où il unit les vies de deux personnes aux origines, aux éducations et aux tempéraments différents. C’est « une communauté de vie » qui implique des concessions, des sacrifices énormes  de la part des conjoints, afin que le quotidien soit vivable. On ne doit pas y  entrer comme on entrerait dans un marché, c'est-à-dire sans précaution aucune. Ainsi présenté, vous conviendrez avec moi qu’il  n’est pas chose aisée ;  même avec une personne qu’on connaitrait et fréquenterait depuis de nombreuses années, à combien plus forte raison, avec un parfait inconnu.

 

 Lorsque vous donnez aux deux hommes de la vie Christelle le même prénom, cela répond à quelle exigence ?

Le roman met en scène, Robert Masson et Robert Coussier : deux Français qui vont singulièrement marquer la vie de la jeune femme. Abusivement, j’ai voulu établir ce que les juristes appellent « le parallélisme des formes » : c’est un  principe juridique  qui implique qu’un acte ne puisse être défait qu’en observant une procédure semblable à celle de son élaboration. Je m’explique : par un coup de sort malheureux, Christelle a croisé le chemin de Robert Masson qui a détruit sa vie. Par une providence inespérée, elle fait la rencontre de Robert  Coussier  qui se donne pour mission de la lui réhabiliter. Disons que c’est juste une fantaisie de juriste. Rires !

 

Robert coursier, homme de médias. Elvire sa fille, communicatrice. DE même Christelle avant sa désillusion  prenait des cours de communication. Notre autrice semble être fascinée par le monde de la communication.

C’est peu de le dire ! J’aime ce milieu ! Je suis sous le charme de sa magie, cette capacité qu’elle a de bâtir et des vies privées, et des vies professionnelles et associatives, et des carrières avec brio. Et à l’heure où la planète terre prend les allures d’un immense village, seule la communication peut permettre à ses habitants d’être au même diapason. 

 

Votre œuvre semble invectiver par le biais de Christelle  la race blanche ; l’accusant d’être le mal de tous. Les responsabilités ne sont-elles pas partagées ?

Fort heureusement, vous avez dit « semble » ! Cette œuvre n’envisage aucunement faire  un procès à la race blanche. La réplique que Christelle donne à cette race, après le coup qu’elle a reçu de son poing est tranchée, le langage est incisif. Mais j’ai employé ce ton dans le seul  but de faire prendre conscience à des certainement milliers de jeunes femmes encore obsédées par ce qu’on pourrait appeler « le rêve Européen » que l’Eldorado n’y élit  pas toujours domicile ! Bien sûr que les responsabilités sont partagées entre ces proxénètes véreux, dépourvus de  respect pour la dignité humaine et ces femmes à l’esprit rêveur, qui parfois sous  de fougueux  airs d’amoureuse transie, dissimulent bien un esprit de profiteuse.

En sus, on découvre un continent complexé qui se défait douloureusement  d’un passé amer : la colonisation. Pourquoi cette incursion subtile dans l’histoire ?

Le drame de la colonisation est une sorte de « vieille rancune » qui refait surface dès lors que  son auteur (l’auteur de la colonisation) est  impliqué dans un nouveau drame. C’est un peu la mémoire collective des Africains, un genre de souvenir robuste ou alors aussi léger qu’une brise qui souffle un soir de spleen. C’est selon. Mais dans l’œuvre Christelle ou le destin d’une esclave sexuelle, la rancune sur ce pan d’histoire n’est pas tenace au point de conduire au rejet de tout ce qui est race blanche. De manière également subtile, mais produisant un effet plus bruyant, j’ai tenu à montrer  qu’aucune race n’a le monopole de la méchanceté, le mal étant universel. C’est dans cette optique bien étudiée que Christelle a été délivrée par un autre Français, à l’exclusion de toute autre race ou toute autre nationalité.

 

Robert, le journaliste, représente en quelque sorte l’énigme résolue. Parlez –nous de ce personnage…

Robert Masson, journaliste et écrivain de son état est un homme qui dans un passé lointain avait vigoureusement secoué l’arbre de la vie afin qu’il  lui donne de goûter aux douces saveurs de ses multiples fruits. Séducteur invétéré, il en avait brisé, des cœurs ! Et à mi-parcours de son existence, c’est un homme blasé  et désireux de se racheter qui croise le chemin de  Christelle Tapé, une victime de la vie et du machiavélisme des hommes,  qui lui apparait dès lors comme l’autel sur lequel il devait poser son offrande, afin d’obtenir le pardon de ses péchés… 

 

Pensez-vous que votre roman puisse apporter quelque chose  de nouveau tant en écriture qu’en message ? Peut-on le considérer comme un livre universel, vu l’espace ou se déroule l’intrigue ?

Absolument ! L’histoire est narrée par une plume sensible, qui dans un style de poéticité bien maitrisé, a su revisité avec fortes images et détails qu’on jugerait à la limite vicieux et impudiques, le thème de la prostitution via proxénète. Et ce n’est pas rien.

Parlant du caractère universel d’une œuvre, je ne pense pas qu’il soit fonction de l’espace dans lequel l’intrigue se déroule ; auquel cas, bien  des œuvres comme la très célèbre  « Les oiseaux se cachent pour mourir » de la Romancière Colleen Mccullough n’aurait  pas à ce point traversé les frontières de l’Australie qui a prêté son territoire au déroulé de sa trame.

La traite des femmes pour usage sexuel est un drame universel ; de l’Europe de l’Est à l’Asie, en passant par l’Amérique du Nord-du Sud et l’Afrique, des femmes sont arrachées à leur famille par ruse, achetées ou tout simplement recrutées afin de servir de matières premières à l’industrie du sexe ! Je ne pense pas qu’il existe une cause plus universelle que celle-là.

 

Interview réalisée par ATTE SOSTENE

in LE NOUVEAU COURRIER DU 12 JUIN 2015



14/06/2015
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