LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE 2

LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE 2

Etre un homme de Beira Ehi Marc : un roman d’apprentissage et de développement personnel

Il y a des romans qui, par leur portée idéologique, peuvent changer des vies ou influencer un destin. Etre homme de Beira en fait certainement partie. Les sinuosités de la vie de Pascal Botofoué, le personnage principal, qui structurent cette œuvre est tel un labyrinthe dans lequel le lecteur va à la rencontre de lui-même.

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Au moment où le livre s’ouvre Pascal Botofoué est à la retraite. Il est sans épouse et sans progéniture. Au travers d’une kyrielle de flash-back, il revisite son passé cadencé par toutes les variantes de l’humiliation.

 

Scolarisé grâce au Père Okou, le petit Pascal s’affirme comme un élève consciencieux. Muni d’une licence, il est recruté comme professeur dans l’enseignement secondaire. Après vingt ans de loyaux services, il a l’impression que son travail n’a jamais été reconnu comme il se doit par l’Etat. Il prend une retraite anticipée dans l’espoir de relancer sa vie en vue de la faire fleurir avec les droits qui lui seront versés. Malheureusement pour Pascal Botoufoué, rien ne lui réussit. Il veut se marier mais ses parents (notamment sa mère) mettent fin à son rêve. Sa tentative de quitter le pays est soldée par une forfaiture. La politique avec ses règles ne lui sourit pas. Les paradis artificiels comme les boîtes de nuit et le sexe facile qui s’offraient à lui comme une voie de sortie ne lui apportent qu’amertume et remords. Le bilan de sa vie est négatif à tous les niveaux. L’aigreur et l’exaspération finissent par tisser leur toile dans son esprit.

 

Sur seize chapitres, Beira consacre les dix premiers à la  dégringolade de Pascal Botofoué. Le dixième chapitre intitulé « L’abîme » marque le point d’orgue de son effondrement. Mais du fond du gouffre, grâce à Laure et l’Abbé Jean Luc, il prend conscience et décide d’aspirer à l’air libre. Comme le Roi Christophe, il aurait pu dire : « Alors, au fond de la fosse…C’est là que nous crions : de là que nous aspirons à l’air, à la lumière, au soleil. Et si nous voulons remonter, voyez comme s’imposent à nous, le pied qui s’arcboute, le muscle qui se tend, les dents qui se serrent … un pas, un autre pas, encore un autre pas et tenir gagné chaque pas. » (in La Tragédie du Roi Christophe, Aimé Césaire).

 

Le prêtre lui avait déjà ouvert les yeux en lui disant: « …Dieu le Père a créé l’être humain à son image, c’est-à-dire libre. La vie qu’il lui a donnée ne peut donc être déterminée d’avance. Chacun de nous pose les actes qui vont déterminer son existence » (p 147). Il s’agit désormais pour Pascal de prendre son destin en mains c’est à dire d’être un homme. Ni l’aigreur, ni les jérémiades n’ont fait pousser des plantes sur un sol aride. A partir de là commence la formidable remontée jusqu’à la consécration. De la gadoue, Pascal frôle dorénavant les étoiles.

 

Etre un homme fonctionne clairement comme un roman d’apprentissage et de développement personnel comme le sont Le Père Goriot de Balzac ou Candide de Voltaire. La trajectoire de Pascal Botofoué est un véritable parcours de combattant. Ses échecs et ses humiliations remettent au goût du jour des problématiques existentielles telles que la chance, la fatalité, le destin. Aucune victoire n’est donnée d’avance. Et aucun destin n’est tracé d’avance. A l’être humain de donner à son existence la direction ou le sens qu’il souhaite. Pour l’auteur l’existence précède l’essence. Cette forme d’existentialisme qui ne broie pas la foi chrétienne se veut une vision lucide de la vie. Au travers les interstices de l’histoire de Pascal Botofoué, l’auteur profite pour porter un regard critique sur des faits comme la politique politicienne, la déchéance morale, le foncier rural, le poids de la tradition.

 

Beira Ehi dans ce roman alterne plusieurs techniques de narration. Les flashes back et la technique du puzzle imposent au lecteur de se concentrer pour reconstituer le fil de la trame. Un tel effort n’est pas fortuit. Il participe à une re-constitution d’une nouvelle vision de la vie. Une façon de dire que la vie sinon l’avenir se construit, s’échafaude.  Servie par une syntaxe hyper rigide, l’écriture de Béira porte la marque d’une plume attachée aux fondamentaux du bon usage. La ponctuation, surtout la virgule, néanmoins, frise l’hypercorrection tant elle est foisonnante.

 

En bref, Etre un homme est un livre de sagesse et de formation. Laure, la jeune fille, lors de l’une de ses tirades adressées à Pascal traduit de manière saisissante le message central de Beira Marc en ces termes : « être un homme, … c’est se battre pour apporter sa pierre à l’édification du monde. C’est faire la part de sacrifice qui te revient dans la construction de la société. Etre un homme, Pascal, c’est laisser à la postérité les traces de son passage sur la terre » (p 145).

Beira Ehi Marc, notre auteur, est professeur de droit à l’université et juriste. Etre un homme est son second roman édité après Le conflit.

Etty Macaire

 

Béira Ehi Marc, Etre un homme, éditions Fupa, roman, 2014

 

in Fraternité Matin du mercredi 4 février 2015



06/02/2015
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