LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE 2

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‘’Altiné…mon unique péché’’ d’Anzata Ouattara : "Entre pleurs et adultère"


Par Soilé Cheick Amidou

Surfant sur "Les coups de la vie", d'aucuns hésitaient à l'identifier écrivaine. Comme piquée au vif, Anzata Ouattara a gravi un palier avec "Altiné... mon unique péché" où narration et idéologie font l'amour.

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Ce roman est l'histoire d'Altiné, une épouse délaissée, le mari conquis par une autre femme. Les fleurs du printemps de l'amour se fanèrent quand Edith apparut. Trois ans durant, Alti en vit des vertes et des pas mûres. Les larmes de douleur asséchées par de maigres portions de temps au bureau et avec Jean-Marc l'avaient fait chavirer dans l'étang impur de l'adultère. Ces mois d'errements, son unique péché! Le retour de son époux et la mort de son riche amant sont le terreau d'une résurrection.


Entre Abidjan, Bouaké, Paris et le téléfilm brésilien, que de duplicité et de générosité, de cupidité et de sacrifices, d'amour et de haine! Ici, la méchanceté creuse des rigoles aigres dans le cœur d'Altiné qui n'accepte ni la polygamie subie, ni sa mise en "fourrière". Alors que Malick quitte lâchement le cocon conjugal, les largesses de M. Segnon la font renaître. Parallèlement à Saran qui se laisse happée par l'amour, Altiné célèbre la lutte.
Dans le sillage d'"Une si longue lettre" de Mariama Ba, ce récit trempé de larmes tristes est le visage romancé de la lutte pour les droits des femmes... Un procès du sexisme qui piétine les femmes au nom des traditions et de la religion. Malick se casse les dents sur le rocher perfide de la polygamie pendant que Jean-Marc, quoique généreux, dilapide les ressources de sa famille pour porter une amante sur le char de l'épanouissement. De ce point de vue, il s'agit d'une satire de notre société qui tarde à humaniser la vie de couple.
Altiné, malgré son péché, est scrupuleuse sur certains principes de vie. Entre tribulations mondaines et existentielles, elle ne perd pas le nord religieux, guidée par Oustaz. L'attitude irresponsable de l'époux est la raison brandie pour justifier les dérives du personnage principal. Voici les bourgeons d'une polémique autour de l'éthique dans le foyer. La romancière, quoique créatrice de fiction, est restée dans le nid du réalisme en n'octroyant pas à son héroïne un statut de Pénélope réincarnée.
Or, tout se paie, le mal ou le bien. Face à Mme Segnon qui avait découvert le pot aux roses, une cinglante humiliation doucha et toucha Alti. Ce fut une sorte de catharsis, de repentance. Elle venait d'être purifiée par le feu de la leçon de morale de la veuve. La vie pouvait continuer de cavaler dans la prairie du bonheur. "Une porte s'était fermée et une autre s'ouvrait grandement" (p.130). Dès lors, renaître socialement et spirituellement était possible.


En filigrane, le lecteur perçoit que personne n’a de destin tout tracé. Anzata réfute tout déterminisme chez l’être humain en décriant l’infériorisation de la femme. L’existentialisme implique responsabilité. D'épouse ayant perdu le contrôle de son foyer et un pan de sa vertu, Altiné bâtit une autre vie qui lui confère plus de "pouvoir" face à Malick. Tout en brocardant les pesanteurs ankylosant la marche des femmes vers l'affranchissement, l'auteure incrimine aussi les femmes, dont elle dénonce la passivité et la soumission. Quant aux cruels mâles dominants des harems, elle les accuse de misogynie, de lâcheté.
À travers les regards croisés sur la vie d'Altiné, Saran, Jean-Marc et Oustaz, il est clair que l'émancipation féminine réussira grâce à l'action conjuguée des hommes et des femmes. Altiné en donne la preuve dans ce récit fringant.


Sous cette chaleureuse plume qui fait chanter la littérature de masse, Anzata fait simple. Son style digeste mais tributaire de moult dialogues s'ingénie à coudre les trames des amours qui s'enchevêtrent, brisent ou enivrent des cœurs avides de passion. Malgré son souffle vacillant, le récit innove car la narration parallèle de l'histoire d'Altiné qui se nourrit de celle de Roberto et Maria est un champ d'écriture pas assez souvent labouré. Bien qu'enrobé dans les griffes fêlées de quelques manquements dont des puristes zélés se gausseront, ce texte laisse scintiller un bouquet d'émeraudes: "Ma sœur, que la volonté de Dieu soit faite. Ton frère vient de nous quitter. Jean-Marc est mort". Cette belle gradation, soutenue par sa béquille de litote, transperce l'âme d'Alti qui se laisse aller à un lyrisme en proclamant: "Mes larmes étaient de feux" (p.128).


Avec ce roman social dont l'encens crève l'abcès de problèmes dont l'infériorisation de la femme, Anzata Ouattara monte d'un cran. Alors, que de vilipender la littérature de masse, laissons-la éduquer et exhorter à l'acte de lecture! De là naîtront les "lecteurs d'élite".

* Critique littéraire

"Altiné... mon unique péché", Anzatta Ouattara, Les Classiques Ivoiriens, 138 pages, 2014



16/01/2015
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