LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE 2

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"Les Nouvelles Chansons d’Amour" de Bandama Maurice : L'amour dans le moule de la beauté

Maurice Bandama est sûrement l'un des romanciers africains dont la plume s'exprime avec dextérité par une esthétique moderne du langage. Après ses nombreux succès romanesques notamment avec son grand prix littérature d'Afrique noire en 1993 pour '' Le fils de la femme mâle'', il plonge en 2000 sa plume dans l'océan étrange de la poésie. Et Le poème qui en sort, imbibé de charme, est révélateur des talents olympiens du prosateur. 

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<< Il y a des chants qui commencent depuis le faîte du jour pour ne s'arrêter qu'à la corne de la nuit.>> (p.15). Il y a des chants qui commencent aux pieds d'un jour pour ne s'arrêter qu'au front d'un autre. Il y a aussi des chants qui commencent à l'aube du lundi pour ne s'arrêter qu'au soir du dimanche. Et ces nouvelles chansons d'amour de Maurice Bandama en sont une illustration parfaite.

 Ce livre composé de 66 pages comporte deux poèmes, en deux tableaux régulés par deux cadences amoureusement harmonisées. Le poète y chante les dithyrambes de la Femme. La première poésie intitulée ''ode à une inconnue'' est une hymne à la gloire de l'amour. Un projecteur qui met à nu l'Éternel beauté de la Femme, de toutes les femmes. '' Femme au nom de toutes les Femmes...j'écrirai sur tes seins des perles de poèmes''. Quant au second poème, ''anthologie des femmes que j'ai aimées'', c'est un chant. Le type de chanson dont le refrain comprend les solfèges d'amour. Les noms des femmes ayant marquées notre existence. Ces deux longs poèmes fondent en un seul moule. Celui de la sensibilité et de la sensualité. Une sorte de caresse qui se laisse voluptueusement cajoler dans l'alcôve de l'amour.

 

Si l'amour est une chanson, Maurice Bandaman en est le chansonnier. Si l'amour est une serrure, il en est le serrurier. Si l'amour est un ministère, il en est le ministre... Car en sa langue se noue le nœud de ces voeux qui veulent, de la Femme, faire l'incarnation de la divinité. Le poète dresse le lit de son coeur pour recevoir la Femme de sa vie. Il le couvre de fourrures fait d'amour pour amortir les heurts de la haine. Maurice Bandaman chante. Il ne chansonne point. Et la poésie est le langage qui permet de lire à haute voix, mieux de déclamer avec art et emphase les élans de son coeur. En scindant son tableau en deux, ce n'est non une dichotomie, mais une simple césure qui cadence le mouvement d'un alexandrin. Cette Ode à une inconnue est l'expression d'un faîte. Un Mystère qui ne dit pas clairement son nom et qui conduit << au palais de Mami-Wata.>> (p.18). Et comme la véritable poésie ne s'offre qu'à quelques initiés, l'on peut aisément affirmer que notre auteur est un poète avertit. Un excellent sorcier dont la magie sert à octroyer un pouvoir de séduction divin au lexique. En commençant sa poésie Lundi pour la terminer dimanche, c'est un message que nous envoie le poète. Ce cycle de sept jours montre un sommum, un fait accompli, une plénitude. Le nombre sept (7) est symbolique dans toutes les religions. Il incarne l'accomplissement comme le nombre de versets dans la sourate ''fathia'' (ouverture) du saint coran. Comme le nombre de chandelier dans la bible...Ne dit-on pas que Dieu créa le monde en six jours et se reposa le septième ? Cette poésie est pleine de sagesses et de paraboles, faisant du coup de ce livre un ouvrage saint. << C'est Lundi...j'entends l'horloge de la cathédrale chanter le cantique de ton nom. (P.17) - Voilà Mardi qui vient/ s'étirant dans une aube sans fin (p.20) - Pour m'offrir les flammes géantes de Mercredi (p.22). - Jeudi est venu, je dis! (P.26). - C'est Vendredi...le jour de la fécondation (p.33). - Et Samedi le chant de la célébration. ( p.37). - Pour voguer jusqu'à Dimanche/ Dimanche est la fin de la célébration (p.39)>>.

A ce charme mysterieusement perlé de cette ode, vient s'ajouter comme par enchantement, une anthologie. Anthologie dont l'ontologie tient à la seule ivresse tolérable : celle de l'amour... Le poète fait de l'audace son cheval de bataille. Il ose, comme d'Alexandre Legrand, défier l' univers sans aucune crainte. '' la peur s'installe dans le coeur de celui qui ignore son destin'' affirmait avec assurance Djibril Tamir Niane dans son épopée pour Soundjata. Le poète n'a peur de rien. Et il sait que seul l'encens des Souvenances peut meubler comme il se doit ses salons poétiques. Sa fresque raphaélique porte le label de ses conquêtes. Et le signe de sa puissance. ''Anti...Maty...Feli... Nadi...'', << en chacune de vous / j'ai aimé le bonheur.../ j'ai aimé la beauté... >> (P.61)

 

La parole critique accompagne la poésie. Dixit Yves Bonnefoy in L'Express du 22/11/2010. La seule critique qui puisse accompagnée une belle chanson poétique est un regard approbateur et non réprobateur. La reconnaissance est une vertu que nous enseignent nos aînés. Et ce serait être de mauvaise foi que d'enlever à cette beauté la quintessence de sa vénusté. Le langage employé est pétri et parsemé d'ornements tels << des colliers de perles Au reins d'une vierge.>> ( p.57). La danse langoureuse, où les pieds frappent tendrement le sol, crée avec la sonnerie des perles une rythmique symphonique. Anaphore << j'ai tant erré/ tant crié/ tant peiné >> (p.23), et allitération << que me viennent fifres, flûtes, fibres >> (p.27) s'associent parfois en ce poème pour chanter d'un même timbre des couplets de re-jouissance. Le parfum nectarifère qui préside en ce texte nous fait penser à la célèbre formule de Dostoïevski qui fait de la beauté le gilet de sauvetage du monde. Aussi dit-il : << La beauté sauvera le monde.>>.

 

Abdala Koné

Les Nouvelles Chansons d’Amour (Bandama Maurice), poésie, Puci, 2000



13/03/2015
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