LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE 2

LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE 2

« Les traditions-prétextes le statut de la femme à l’épreuve du culturel » de Constance Yaï : Ce que signifie être femme…au nom de la tradition

Constance T. Yaï vient de publier aux éditions JD éditions un essai dont la lecture a bouleversé nos convictions et perturbé notre tranquillité de jeune femme. Or donc, en dépit des avancées dans tous les domaines de la vie, le statut de la femme continue d’être préoccupant.

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Aux pages 74 et 75 lisons ce qui suit : « La ceinture de chasteté…une ceinture métallique de toute évidence destinée à empêcher les relations sexuelles. L’histoire dit que le chevalier qui s’absentait de chez lui pour aller à la guerre dans les contrées lointaines, faisait porter à sa campagne une ceinture de chasteté. Cet instrument qui empêche l’accomplissement de toute relation sexuelle était fermé à clé. Au retour du chevalier, il retrouvait sa «dulcinée » « intacte ».’’  

La femme serait-elle ravalée au rang d’un animal jusqu'à ce point? Horreur des horreurs ! Quelle indignation ! Voici une pratique qui témoigne  de la chosification de celle qu’on nomme  sans  trémuler « le sexe faible ». Ce n’est pourtant rien face à ce que va  nous révéler, par la suite, « l’avocate attitrée des femmes », Constance Toma’m Yaï. Fondatrice  de l’AIDF, notre dame, après avoir longtemps « donné de la voix », s’arme aujourd’hui d’une plume pour poursuivre son combat contre toutes les injustices faites aux femmes et surtout pour dire « NON » quand il le faut.

 Dans cet essai de 151 pages, l’auteure nous permet de découvrir que dans un environnement pris dans les griffes de la tradition, l’instruction de la femme n’est pas un souci pour la société. Elle n’a pas droit à la parole et même pas lors des prises des décisions la concernant. Elle n’a pas d’avis à donner sur la réalisation du monde. Par contre, elle a le devoir de ne jamais dire « non » à son  « maître », son mari ou son père. Toujours « oui » et encore « oui ». Mais pourquoi ? La réponse est simplement absurde : Parce qu’elle est née femme et c’est le prix que son statut la contraint à payer. En fin de compte, elle demeure sous la domination économique, physique  et morale de l’Homme. Ainsi elle n’existe que par l’homme. Et ce parce que la tradition le veut ainsi.

Constance Toma’m Yaï, dans une argumentation très cohérente, nous explicite ces situations avec des exemples ahurissants à l’appui. La culture, belle arme de domination, a servi à éduquer la petite fille à la passivité, la soumission, à la douleur parfois, et surtout au silence. Cette femme de demain est ainsi « dressée » pour l’application des exigences et règles de la grande tradition ! Et quand cette dernière ose se refuser à certaines pratiques atroces, elle est traitée de femme insoumise, indigne. Indigne de vouloir être heureuse ? Indigne de briser les chaînes de l’esclavage ?

Quelle absurdité  tout de même ! Un égoïsme qui ne dit pas son nom.  Combien d’adolescentes n’ont-elles pas été obligées à se marier de force ?  Constance Yaï nous révèle que «ce sont des viols tous les soirs au su et au vu de tous sans que personne ne bronche » !

La parfaite illustration, par cette histoire poignante de  Fanta Keïta,  est on ne peut, plus révoltante. S’il existe sur la terre des Hommes des cœurs meurtris par le silence, c’est bien le cœur de la femme. Un océan de secrets douloureux.  DIEU seul sait,  à travers la planète, combien de crimes perpétrés contre les femmes sont restés impunis parce que méconnus ou même tus.

Que de femmes, de jeunes femmes et même de petites filles à qui des hommes ont arraché la dignité !  Autant de traumatismes qui ont tout changé en elles. Incomprises, elles sont taxées de « prostituées » de « frivoles ». L’auteure ne manque de le signifier. En dehors de leurs génitrices, certains hommes traitent toutes les femmes de « dévergondées ».  Quand elles ne sont brutalisées sexuellement par les hommes, c’est leur intime féminité que la tradition veut ôter et confisquer.  En témoignent toutes les mutilations génitales dont la fille est victime. Le livre en fait mention dans les moindres détails. De la ceinture de chasteté et à l’excision en passant par la plus inhumaine, l’infibulation ! Est-il exagéré de parler de bestialité des hommes sur les femmes ? Utiliser ainsi la tradition pour chosifier un être humain relève de la plus grande cruauté de l’homme.

Notre auteure, sur un ton parfois satirique, expose ces réalités acerbes avec tant de virulence. Des femmes blessées dans leurs âmes sont « données » telles des marchandises  à des hommes qui ont tout pouvoir sur elles. En  effet, « l’avocate des femmes », démontre  comment le mariage est utilisé pour poursuivre « le combat contre la femme ».  Pour preuve, lorsqu’une jeune femme est donnée en mariage, son père autorise son époux à la battre si elle n’est pas soumise (dans certaines cultures). Le pire, quand l’époux meurt, on ne s’imagine pas les rituels à n’en point finir qu’elle doit subir. Autant d’injustices pour lesquelles le mutisme des femmes doit disparaître. Être femme est-il synonyme de silence et de souffrance acceptée ? Constance Yaï répond que NON. En exposant ces faits, elle en appelle  à une « révolte » de la part des victimes…

Constance Yaï, dans ce livre exhorte la femme violée dans tous ses droits à lutter.  Toute liberté, la vraie, s’arrache. Le combat de l’auteure est de redonner à la femme une bonne estime d’elle-même pour commencer. Dans son livre, elle ne manque pas de mentionner quelques victoires de l’AIDF en faveur des femmes. Toutefois, elle interpelle aussi les politiques  sur la question des droits de la femme mais aussi les hommes « dépassés » et misogynes  pour qui la femme doit demeurer en cuisine et n’en sortir que pour satisfaire leurs désirs charnels.

« Les Traditions-Prétextes : Le statut de la femme à l’épreuve du culturel » est un faisceau de lumière pour toutes les femmes. Certes,  certaines phrases, en longueur, freinent le plaisir du lecteur, mais de façon globale, cet essai est un texte accessible. La structuration du livre et le souci de l’auteure d’argumenter sont certainement séduisants. Même s’il se trouvera des hommes pour contester certaines revendications contenues dans cet ouvrage, pour les femmes c’est un devoir de se le procurer pour en faire leur livre de chevet.

 

Atté Sostène Letissia

 

 

Constance T. Yaï, « Les Traditions-Prétextes : Le Statut de la Femme à L’épreuve du Culturel », essai, Jd éditions, 2014

 

In Le Nouveau Courrier du vendredi 08 novembre 2014



09/11/2014
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