LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE 2

LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE 2

COMMUNICATION A L'OCCASION DE LA CEREMONIE DE LANCEMENT DE LA CARAVANE DU LIVRE 2014

Par Macaire ETTY

30/09/2014

A la bibliothèque nationale

 

Monsieur le Ministre de la Culture et de la Francophonie,

Monsieur le Président de l’Association des libraires de CI

Militants de la culture,

Professionnels et amis du livre,

Honorables invités,

Mesdames et messieurs,

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Malgré le confort que nous offrent les nouvelles technologies, nous voilà, une fois encore réunis, pour parler de bibliothèque. C’est dire que rien de tout ce que nous proposent les innovations scientifiques et numériques n’ont le pouvoir d’étancher pleinement notre soif de lumières. A vrai dire, nous nous inquiétons de ce que nombreux de nos concitoyens n’ont pas encore compris les richesses inestimables que nous pouvons tirer d’une bibliothèque. Dans nos sociétés viciées par des contre-valeurs qui ont pour noms l’esprit de lucre, la soif de domination et la politique politicienne, la bibliothèque apparaît comme un univers qui ne concerne que quelques privilégiés. Les discours se succèdent, les professions de foi s’enchaînent, mais le livre n’a pas encore atteint le statut d’un précieux adjuvant dans notre quête d’un bien-être.

Combien de communes de Côte d’Ivoire ont-elles des bibliothèques municipales ? Combien de conseils généraux ou régionaux ont-ils érigé une bibliothèque ? Combien d’institutions et de directions centrales peuvent-elles être fières d’abriter une bibliothèque, ne serait-ce qu’un centre de documentation et d’information en rapport avec leur domaine d’activité ?

Militants de la culture,

Prenez part à des conseils municipaux ou régionaux pour vous rendre compte que l’accès au livre par la population locale n’a jamais été évoqué dans un quelconque projet, à plus forte raison comme une question prioritaire. Les quelques rares bibliothèques existant dans des villes et  communes sont les bâtiments les plus tristes, si ce ne sont des bicoques brinquebalantes où des livres jaunis par le temps et amputés de leurs pages attendent qu’un hypothétique lecteur vienne les sortir de leur anonymat.

Honorables invités,

C’est à la base, dès l’école primaire, qu’il faut inculquer le gout de la lecture aux plus petits. Malheureusement, l’activité de lecture dans les écoles n’a pas sa place d’antan. Je suis peiné de vous annoncer que les comités de gestion mis en place pour gérer les établissements scolaires avec les cotisations des apprenants n’ont jamais inscrit l’équipement des bibliothèques à l’ordre du jour. Dans les établissements secondaires, la mode c’est de vider les bibliothèques de leurs livres pour en faire des cybercafés qui, selon de bas calculs des initiateurs, seraient plus rentables et plus juteux. Et quand il arrive, par miracle, qu’une bibliothèque échappe à la furie des mutations dans un lycée, elle est gérée – tenez-vous bien - par les enseignants souffrant de graves maladies comme l’hypertension et le diabète.

Mesdames et messieurs, en somme, la bibliothèque est à la périphérie des priorités nos collectivités locales. Il y a un énorme déficit de bibliothèque dans notre pays. Il est difficile de rencontrer des oreilles attentives à un tel cri de coeur.  Faut-il pour cela se taire sous-prétexte qu’il est inutile de prêcher dans le désert ? Si tout a été dit en faveur des bibliothèques, est-il vrai que tout a été fait ? Existe-il sincèrement une politique hardie en faveur de la construction ou de l’équipement des bibliothèques et de leur animation dans nos villes et communes ou même dans nos établissements scolaires et universitaires ?

Pourtant ce ne sont point les arguments qui manquent en faveur de l’utilité de la bibliothèque dans la vie d’un être humain et d’un peuple.

Le progrès technologique dont l’humanité est si fière crée sournoisement les conditions de sécheresse de notre esprit. Fonder des bibliothèques, dans un tel environnement, est certainement le meilleur moyen de « construire des greniers », d’amasser des réserves de savoirs et de connaissances pour faire face aux heures de disettes qui s’annoncent à l’horizon.

Amis du livres, vous le savez tous, la bibliothèque est le plus riche dépositaire du patrimoine culturel de l’humanité. Elle est un moyen efficace de préservation des trésors littéraires et scientifiques accumulés par les devanciers, en faveur des générations futures.

Parce qu’elle est un lieu public et surtout d’accès gratuit, la bibliothèque est la vraie école libre du temps présent. Elle offre une variété de possibilités d’apprentissage à même de stimuler le développement économique, social et culturel. La bibliothèque est, sans conteste, un précieux outil qui vient en soutien au système éducatif et utile à la formation continue. Elle contribue au progrès de la recherche et du savoir. C’est le lieu le mieux indiqué pour garder notre esprit de la souillure ambiante.

La bibliothèque symbolise la mémoire d’un peuple. Et c’est pour cette raison d’ailleurs, que dans les moments de tensions et de révolte, les insurgés n’hésitent pas à s’en prendre aux bibliothèques. En France, en novembre 2005, lors des émeutes dans les banlieues, les révoltés ont incendié une vingtaine de bibliothèques. Plus près de nous au Mali, en 2013, durant la guerre, des miliciens islamistes ont incendié une bibliothèque de Tombouctou contenant des milliers de manuscrits inestimables. Ces actes criminels sont la preuve que la bibliothèque est un trésor. En les calcinant, les criminels visaient ce que la cible avait de plus intime et de plus précieux, sa mémoire.

Mesdames et messieurs, vous comprenez avec moi qu’il faut se réveiller et surtout rester éveillés.

Voyez-bien comment thème de la caravane du livre, de cette année, nous interpelle à plus d’un titre : « Tous, ensemble, pour notre bibliothèque ».

Plus qu’un simple slogan, il se veut un nouvel appel adressé à tous ceux qui, par leur rang, leur position, leurs expériences peuvent aider les bibliothèques à exister, à s’équiper et à s’offrir au plus grand nombre de nos concitoyens.

La formulation de ce thème présuppose que la bibliothèque n’a pas toujours bénéficié de notre attention et de notre engouement. Elle dénonce, à mots à peine couverts, la démission, pas seulement de la communauté des lettres,  mais de toute la société. En sus, ce thème se veut une exhortation à nous unir, à nous mobiliser, à fusionner nos énergies pour sauver la bibliothèque, que dis-je ? notre bibliothèque.

Il y a lieu de faire quelque chose afin que la bibliothèque ne soit pas une maison close, un espace réservé à quelques initiés,  une île ésotérique à laquelle n’ont accès que quelques privilégiés. Il faut que la bibliothèque se démocratise, qu’elle soit accessible et plus proche de la masse afin que le livre, loin d’être un produit de luxe, devienne un produit de grande consommation.

Certes, des esprits éclairés et généreux ont posé, ici et là, des actes sublimes en faveur de la disponibilité des livres. Mais les œuvres solitaires surtout lorsqu’elles sont en rapport avec une problématique aussi sérieuse, ne peuvent pas avoir la portée que nous attendons.

La bibliothèque doit se muer en « notre bibliothèque ». Nous devons envers la bibliothèque manifester le même engouement que celui que nous manifestons envers l’église ou la mosquée, la télévision ou l’internet. Nous entendons dire « notre église », notre « mosquée », « notre télévision », mais entendons-nous souvent dire « notre bibliothèque » ?

Beaucoup a été fait mais beaucoup reste encore à faire. Le combat pour une société de lecteurs, d’une cité de lumières fréquentant les bibliothèques est un combat inlassable, sans répit. Il urge de fonder des bibliothèques, de les équiper et de les animer.

Amis du livre,

L’avantage des bibliothèques est qu’elles n’ont pas de désavantages. L’avantage des bibliothèques est que même à la mort de nos vieillards, elles ne brulent pas. La survie, tout au long des siècles, des bibliothèques face aux progrès scientifiques et aux innovations technologiques doit nous convaincre de l’idée qu’elles constituent un espace de résistance contre les perditions et les dégénérescences culturelles. Alors n’hésitons pas, mettons-nous tous ensemble, pour donner vie à notre bibliothèque.

Je vous remercie !

 

 

 

 



03/10/2014
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