LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE 2

LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE 2

« Au Fond du Silence » de Maurille Vierge Koudoussou : Le chant d’amour d’une plume libérée

Eternel, le thème de l’amour, comme une braise magique qui ne peut expirer, continue de mettre en transe les plumes des poètes. Le nôtre s’appelle Maurille V. Koudoussou. Il est togolais. Dans son livre Au Fond Du Silence, l’amour prend mille et une couleurs pour le bonheur des cœurs assoiffés de beau.

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Au moment où le silence se fait maître du temps et de l’espace, le poète se retrouve seul avec lui-même. La digue de son inconscient se rompt et alors, un essaim d’idées l’envahit. Inspiré, il peut accoucher des vers lumineux. Tel est le sens du titre de ce recueil de poèmes.

 

Et quand Koudoussou atteint cet état magique et unique, les yeux de sa plume ne voient que l’Amour : « La lyre est la douce voix/ Qui en moi chante l’amour » (p31). L’Amour n’est-ce pas le point culminant des sentiments les plus nobles ? « L’amour oublie tout/ L’amour accepte tout », roucoule le poète. Ces vers aux accents bibliques est le prélude du miracle de l’Amour : « L’amour avance et cueille des fleurs/ Sans se faire piquer des épines » (p57).

L’amour ici est focalisé sur la femme. Cette dernière, en effet, cristallise les rêves et les fantasmes des hommes. Douceur et beauté, elle est la « matrice de la vie ». L’amour de la femme est le chemin de l’Amour pour tous et pour tout. Au cœur des poèmes de Koudoussou Amour et Femme s’alternent et s’enchevêtrent sans interruption. L’un ne peut exister sans l’autre.

 

La femme sous la plume de Maurille Koudoussou est mythifiée. Elle est le symbole de l’idéal que veut atteindre le poète. C’est ainsi qu’elle prend le visage d’un être inaccessible, fuyant, indomptable, fugitif : « Tu t’étais envolée et noyée dans le bleu immense/ Qui es-tu ? Où es-tu ? D’où viens-tu ?/ Je cherchais dans le noir paralysant/ Ta face irréelle et envoûtante » (p 41). L’influence de Baudelaire ici est flagrante. Nous en voulons pour preuve son poème « A Une Passante » dans lequel, suite à la disparition de la sulfureuse passante, il a dit, transi de tristesse :

« Un éclair... puis la nuit ! - Fugitive beauté
Dont le regard m'a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l'éternité ?

Ailleurs, bien loin d'ici ! trop tard ! jamais peut-être !
Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais ! »

 

Par ailleurs et malgré tout, le poète Koudoussou rêve de fusionner avec la femme aimée. Sa prière peut alors monter en ces termes: « Toi qui hisses mon cœur à la lune/ Envoie-moi ta corde/ Et tire-moi vers ton cœur ». Le rêve ardent du barde est de consommer le fruit défendu : « Ta nudité contre la mienne/ Tes yeux humides d’orgasme/ Ton haleine mélangé à la mienne/ Dans le noir complice de ma cache/ Je t’ai possédée » (p 53).

En fin de compte la célébration de la femme et l’exaltation de l’amour traduisent le désir du poète de vivre dans un monde de rêve. Là où tout rime avec beauté et tranquillité. En clair, le poète aspire à la plénitude et à la paix, gage de la cohésion sociale. C’est cet idéal que réclame son subconscient.

 

Dans ce recueil au souffle lyrique, le poète brille par la création et l’usage d’images originales. Sa plume comme une flûte magique laisse échapper des sons qui couvrent l’amour de soie. Envoûté, le lecteur parcourt les poèmes avec un plaisir ininterrompu. Artiste décomplexé, Koudoussou puise dans les tréfonds de son inconscient de sorte que son langage est souvent libéré des codes moraux. De nombreux vers suintent d’érotisme sans pour autant choir dans la vulgarité.

 

Cet ouvrage, du point de vue technique, pèche par sa mise en page. Ce vide laissé au verso des pages donne l’impression de vouloir étirer d’une manière forcée le livre pour atteindre un nombre de pages donné. Pourtant l’éditeur aurait pu simplement demander à l’auteur d’accoucher d’autres poèmes pour étoffer le livre. De cette façon, on aurait solutionné cette structuration superficielle du livre en trois parties. Il est clair que ces failles n’incombent pas au poète mais à l’éditeur. Une chose est sûre : un aède au lyrisme exalté et touchant nous est né. Il s’appelle Maurille Vierge Koudoussou.

 

Macaire Etty

Maurille Vierge Koudoussou, Au Fond Du Silence, éditions dhart, Poésie, Canada, 2014

Publié dans LE NOUVEAU COURRIER D'ABIDJAN du vendredi 23 janvier 2015



23/01/2015
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