LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE 2

LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE 2

Des mots du poète Jean Valère Djezou sur la première de couverture de « la loi des ancêtres » de Macaire Etty

 

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Toucher un visage peut faire voir à un visage, sans yeux valides, tout le tapage et le remue-ménage qui nagent dans les méninges. Ainsi, le visage devient, comme on le voit en morphopsychologie, l’image prophétique de toute la vie qui respire dans le crâne. Chaque figure préfigure ainsi une nature, chaque figure liquéfie un mur. Palper des yeux la couverture du roman-énigme La Loi des Ancêtres de Maître Macaire Etty, découvre ainsi la chair et la moelle de l’œuvre.

Les diverses pièces du manteau du roman habilement tissé par un maître tisserand marchent en synchronie avec la diégèse. C’est une diégèse succulente et prenante faisant une belle lune de miel avec le divin miel d’une poésie s’épanouissant dans la ruche de ses structures lexico-syntaxiques. On dirait même que dans les alvéoles du récit se niche de la dramaturgie.

Allons au cœur du manteau qui cache les pages du livre. Il nous livrera et crachera certainement des secrets exposés dans sa cage… La Loi des Ancêtres y est matérialisée par une statuette vêtue de nudité, bien poncée et sur laquelle est coulée une huile noire, un noir qui se substitue aisément à l’homme noir, mais également à tout ce que la tradition ancestrale pourrait incarner comme obscurantisme. D’ailleurs, à l’intérieur de cette sculpture en ronde bosse on lit peut-être P, R, M : P pour Passé ou Préhistoire ; R pour Remercié ou Reclus ; M pour Modernité ou Mutation. Mais c’est une pièce, une tradition, baignant dans l’or, un or quelque peu décoloré.

Veut-on par là clamer que La loi de nos aïeux est riche ? Certainement. Peut-être. Est-ce une richesse surfaite ou dénaturée ? Peut-être. Certainement. Peut-être. Est-ce la lumière de la modernité qui, avec ses phares sans frein, déculotte la tradition, l’étale dans toute sa nudité, sans fard, sans que celle-ci ne puisse dissimuler sa noirceur, noirceur imperceptible dans les temps anciens, les temps obscurs, temps de vieilleries et de vue ténébreuse, comme dans L’allégorie de la caverne platonicienne ? Peut-être. Certainement.

Quoi qu’il en soit, La loi des Ancêtres s’établit dans le sang. La loi des Ancêtres marche dans le sang et sur le tapis du sang. Raison pour laquelle le fétiche gardien du temple du monde ancien, auréolé et ivre de sa gloire, siège dans le sang, règne dans le sang, s’impose dans le sang. Le sang, ce tapis rouge, cette bande rougeâtre sous lui, un rouge sale, peut-être le sang injustement versé. Et peut-être, en réalité, le sang est-il le trône royal de la tradition ? Car une autorité traditionnelle non établie sur le sang a moins de puissance…

En vérité, l’affront fait à La loi des Ancêtres se lave dans et par le sang. Ce pourquoi La loi des Ancêtres se blanchit, en se vêtant d’encre blanc, costard de saint qui se marie avec le vin sang, le blanc innocent étant mieux en vue sur le rouge coupable. Est-ce à dire que La loi des Ancêtres cherche des justificatifs au sang versé ? Est-ce un sang innocent, un sang de vertu ou, au contraire, un sang coupable répandu pour instaurer ou restaurer la blanche paix ? Le romancier ne sait comment répondre à ces questions qui assaillent et le tenaillent. Il en a lui-même, des questions.

Méditatif, il sent, peut-être, peser sur son frêle être une montagneuse Loi des Ancêtres pénible à porter, à épauler, à pousser, à éjecter. Et peut-être, est-ce une tradition qu’il garde en filigrane, derrière lui, à l’abri des regards critiques de La loi des Modernes. Autre interrogation : les us et coutumes de nos aïeux sont-ils l’arrière-plan moral et spirituel de l’auteur, de sa génération dont il se fait porte-canne ? Tout est question. Rien n’est réponse. Tout est réponse. La tradition, naguère si présente et puissante, s’évanouit peu à peu. Elle reste humblement cachée derrière, sournoise, craintive, cherchant certainement un défenseur qui puisse lui sacrifier sa poitrine comme fier et inflexible bouclier. Elle est maintenant un spectre, mais un spectre encore présent. Elle s’évapore petit à petit dans les souvenirs. L’avenir semble ne pas vouloir d’elle. Mais pour l’heure, La loi des Ancêtres n’a pas encore disparu. Elle est encore présente. Elle hésite à partir. Elle refuse de mourir. Elle sait avoir son mot à dire…

 

Jean Valère Djezou, enseignant- poète



13/08/2014
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