« La veuve et le guide religieux » de germain zambli bi : La face mélanique de la dévotion
‘’Un coup de téléphone inattendu vint l’arracher à ses réflexions’’ (Page 167), le cou d’un astre attendu vient nous ensevelir dans d’infinies réflexions ; il est doux, lumineux et surtout ferme ce bleuissement de la lune. Fixée sur la frimousse du ciel, la lune fait la loi en dégageant nettement les nuages bleuâtres. Bleu, et encore du bleu, puis un lieu saint symbole de douceur et de grâce .Juste en face une femme de noir vêtue avec un sourire éblouissant. Sourit-elle à l’existence ?
Cette femme, assurément « la veuve », a visiblement au dessus d’elle un homme, vraisemblablement un imam. Plutôt un imam ‘’choco’’ pour parler comme l’auteur ; il doit être « le guide religieux ». Disons que cette page de la première page de couverture dont la couleur bleue assure la maestria donne comme du baume à l’esprit, en raison de la douceur qui s’en dégage. Par ailleurs, ce regard ferme et infaillible de notre imam et ce sourire un peu naïf de la veuve portent à réflexion. Germain Zamblé Bi, signe ici son deuxième recueil de nouvelles : « La veuve et le guide religieux ». Ainsi, après le fameux Le cure –dent ‘’gouro’’, il fait une incursion dans l’univers de la connaissance dans sa double dimension spirituelle et intellectuelle.
‘’ Madame KEITA était une veuve pas comme les autres’’ (Page 9). Tels sont les premiers jets de mots de notre première nouvelle dont le titre est connu. Cette première phrase nous renvoie à la dame souriante sur notre première de couverture. En effet, on pourrait comprendre ce sourire de cette veuve, car elle n’est pas comme les autres veuves qui dans ces circonstances seraient plutôt sombres. Qu’est-ce-qui expliquerait donc cet état de fait ? Bon suivi d’un guide religieux ? La suite des lettres empreintes de maximes nous blanchira les idées. En effet, cette dame, veuve par la force de la route (l’époux étant mort dans un accident de la circulation), se retrouve avec des bambins à éduquer seule. Certes, les finances ne lui faisaient pas la moue, mais elle restait quand même anxieuse. Anxieuse et perturbée par un guide religieux qui n’abdique jamais. Cette séparation brusque et douloureuse avec son cher époux, ne l’empêchera pas de s’ouvrir à nouveau à l’amour. Tel est le sens de son sourire. Chant funeste du destin ? Amour interdit ? Le malheur va encore frapper, mais notre guide religieux n’entend pas abandonner.
Le deuxième récit « Les déboires d’un petit chrétien » met en scène le petit N’GORAN. Il doit entrer dans la grande famille des chrétiens par une nouvelle naissance, celle de l’eau et de l’esprit : le baptême. Cependant, lors des préparatifs de cet imminent événement, il est tout seul face à sa famille qui n’est pas croyante. Ingurgitant avec véhémence des déceptions perçues comme une mise à l’épreuve, il ne prend pas la clef des champs mais assume. Qui volera au secours du petit N’GORAN ?
Alors que « L’ultime défi », la troisième nouvelle, dans une tonalité tragique, conte les dernières heures d’une jeune enseignante. La dernière, « Un stagiaire qui dérange », fait état de la conscience professionnelle, M. Yapobi dans son métier d’enseignant. Mais une dévotion qui va très vite se muer.
« La veuve et le guide religieux » est un recueil de nouvelles qui caricature les ruses et les malices de certains hommes qui infectent le monde religieux. L’auteur semble démontrer les ressemblances qui existent entre religion et enseignement. Autant il existe des guides dans les pratiques religieuses, autant il en existe dans le milieu de l’enseignement. La religion et l’enseignement forment. Si l’une guérit l’âme, l’autre guérit le corps. Ils sont tout deux des écoles de la vie.
En outre, notre auteur, toujours fidèle à la tradition nous projette au cœur d’un peuple, le peuple ivoirien. Ses mots portent la couronne de la linguistique ivoirienne marquée par un humour voilé à mesure que les feuilles dansent. Des expressions comme ‘’ choco’’ ‘’placali à la sauce pklo’’ ‘’cabato’’ ‘’séridaga’’ investissent les pages. Néanmoins, il faut être du pays pour mieux s’imprégner de la sensibilité de ce livre. D’autres part, le nouvelliste revient avec des descriptions classiques voire communes : ‘’ dans l’antre de ce ghetto, les fils électriques s’entremêlaient…tous pour un et un pour tous’’ (page 49). Cette présentation de quartier à la précarité légendaire n’est vraiment plus nouvelle chez le lecteur et révolte par moment, car on finit par ce convaincre qu’il n’existe que ces quartiers ! La chose n’est pas mauvaise en soi, mais la création littéraire demande de l’originalité. Doit-on parler « une poétique à l’ivoirienne ». Ou encore : qu’est-ce-que Zamblé Bi Germain veut-il nous enseigner ?
Atte Sostene
La veuve et le guide religieux, Germain Zamble Bi, éditions Matrice, 2014
in Le Nouveau Courrier du 26 juillet 2014
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