LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE 2

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Inspecteur Oyidou de Odjé Saga: Un roman policier à la sauce ivoirienne

Le roman policier n’est certainement pas ce qu’il y a de plus fécond dans la production littéraire ivoirienne. Nei-Ceda a été le premier éditeur à mettre sur le marché quelques romans de ce type dans la collection « Enigmas ». Le Tueur de Remblais est apparemment le plus connu. Avec Inspecteur Oyidou, Odjé Saga vient enrichir le patrimoine littéraire ivoirien d’un nouveau roman policier.

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Notre auteur, militaire de formation, nous déroule une histoire d’enquête policière dans le style des films policiers que nous sert l’Amérique quotidiennement. Le personnage central du roman, inspecteur Oyidou, ingénieur de ponts et chaussés, démissionne de son poste de maître d’œuvre au ministère de la construction pour créer un « département spécial de la sécurité, directement rattaché à la présidence de la république spéciale ...Il est nommé inspecteur à titre exceptionnel » (p21). Rapidement, il s’impose comme enquêteur redoutable. Lors de la disparation et la réapparition de son collègue et ami l’inspecteur Gbaguidi, il est le premier à soupçonner l’apparition de clones dans le pays. Des clones ? Il faut être très imaginatif pour créer  cette fable ! mais l’inspecteur n’en démord pas et se lance dans une enquête difficile. Plus tard, il est accusé de vouloir renverser le président de la république. Arrêté, il est jeté en prison. Par un concours de circonstances, il est libéré et blanchi. Sa thèse sur les clones finit par s’imposer à la faveur d’un accident d’avion qui met en déroute les scientifiques scélérats et leurs complices, auteur des clonages.

Originale, la trame de cette œuvre l’est. Cette histoire d’hommes « recopiés » à partir de leurs originaux nous sort quelque peu de ces intrigues plates et ordinaires. Le lecteur y découvre comment la soif de puissance peut amener des scientifiques à des excès. La question du clonage sur des êtres humains crée une situation de crise et de déséquilibre. Le rôle du héros c’est d’élucider l’énigme par une enquête minutieuse en vue de rétablir l’ordre et l’équilibre de la société. L’inspecteur Oyidou, précédé d’une réputation favorable est l’homme de la situation. Sur son parcours, le mystère se corse. A partir d’un fait divers, l’on bascule dans une affaire d’Etat et de sécurité nationale. La politique et ses règles mystérieuses s’en mêlent. Oyidou lors de son enquête est aux prises avec les dédales de la sécurité présidentielle. Derrière l’officiel, se cache un autre monde, celui des dédoublements. Pour sa sécurité, le président de la république entretient une autre unité spéciale, inconnue par le grand public. De son enquête sur les clones à son arrestation puis à sa libération, l’Inspecteur Oyidou découvre l’autre face de la république.

Le roman d’Odjé Saga repose sur le magnétisme qui se dégage du personnage principal. Il est un véritable héros dans la pure tradition du roman ou du film policier. Son foyer connait des secousses. Hélène son épouse a du mal à réussir son insertion dans une société africaine où le parasitisme est toléré. Elle finit par prendre du recul en rejoignant l’Europe avec leur unique enfant. Malheureux en amour, Oyidou est brillant dans le service.  Il est intègre et jouit du respect de ses collègues. « Il se consacra entièrement à sa nouvelle tâche. Cet homme avait réellement une vivacité à fleur de peau, une énergie insoupçonnable à revendre » (p 25). Sur ce point notre auteur n’a pas été assez inventif. Ces super héros, sans tâche, intègres, sacrifiant leur foyer pour leur travail sont d’une récurrence banale. En sus, toutes les fois qu’il est pris dans un sac à cul lors de ses enquêtes, l’auteur intervient pour le tirer miraculeusement d’affaires. N’est-ce pas lui le « brave » ?

Au-delà de ces clichés, Oyidou se distingue par ses pouvoirs mystiques. Bien que diplômé en criminologie, l’enfant de Zrôkou a les pieds bien enfoncés dans la tradition. Il n’hésite pas, quand cela est nécessaire, de recourir à des pratiques fétichistes pour retourner une situation à sa faveur. A ce niveau, on peut dire que notre auteur a innové en sauvegardant « la couleur locale » de son héros. Un bon policier africain serait en quelque sorte la synthèse de deux méthodes, celle cartésienne fondée sur des indices et l’autre peu orthodoxe fondée sur le fétichisme.

 Le roman Inspecteur Oyidou bien que bénéficiant d’une assez bonne narration pèche par des défaillances grammaticales. De nombreuses coquilles dues à une correction approximative viennent réduire l’impact de l’œuvre. Tout compte fait Inspecteur Oyidou s’inscrit clairement dans le genre romanesque policier fondé sur un crime, un mobile, une victime, une enquête. Odjé Saga a le mérite d’avoir inventé une intrigue pleine de suspens. La fin de l’histoire est certainement l’un des points forts de cette œuvre. Au moment où l’enquête est relancée pour débusquer les savants véreux, le roman prend fin. Là où on l’on s’attend à un « happy end » avec un triomphe du héros, l’auteur préfère faire vagabonder l’esprit du lecteur.

 

Macaire Etty

Odjé Saga, Inspecteur Oyidou, éditions balafons, 2012

 

in Fraternité Matin du samedi 11 octobre 2014



14/10/2014
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