LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE 2

Djê Charles Célestin vient de faire son entrée dans le cercle des écrivains de Côte d’Ivoire avec un recueil de nouvelles au titre accrocheur : « Excisée par Amour ». Qui est l’auteur ? A quoi rime le titre de son livre ? Quel est la substance de sa production ? Pour avoir des réponses à toutes ces questions nous avons rencontré l’auteur. Entrevue.

Qui est l’écrivain DJÊ Charles Célestin ? Quelle est votre histoire avec la production littéraire ?

Merci de me donner l’opportunité de m’exprimer sur ma première œuvre. Je tiens à dire qu’avant d’écrire, je suis d’abord professeur de lettres modernes et qu’en conséquence j’ai un rapport étroit avec le monde de la littérature. Ayant fait des études de littérature par vocation, j’ai toujours rêvé de ressembler à ces grands noms de la littérature dont je dévorais les œuvres depuis mon enfance. Il s’agit de Zola, Honoré de Balzac, Maurice Leblanc en occident et de Bernard Dadié, Isaïe Biton Coulibaly et bien d’autres pour l’Afrique. Je les trouvais incroyables et fantastiques. Je griffonnais depuis longtemps, mais je n’avais pas trouvé la vanne pour l’édition jusqu’à ce que Matrice Editions accepte de m’accompagner dans cette aventure. Je dispose d’un certain nombre de manuscrits dans mon tiroir qu’il me tarde de publier. L’écriture est pour moi est exutoire qui permet de se parler à soi-même et aux autres. Je pense qu’on doit écrire dès lors qu’on a quelque chose à dire. En outre j’écris en réponse à quelqu’un qui m’a dit un jour qu’il était plus intelligent que moi parce qu’il était écrivain. J’ai décidé de relever le défi. Je voudrais pouvoir lui démontrer que tout le monde peut écrire, il suffit de le vouloir.

Le titre de la nouvelle éponyme du livre (Excisée par amour) est  on ne peut plus révoltant, quand on sait que l’excision est une abomination pour laquelle des combats sont menés. Que recherche Dje Charles Célestin ?

Le premier titre que j’avais donné à ce livre était ‘’LES VERTIGES DE L’AMOUR’’. Je voulais montrer dans ce recueil ce que l’amour peut faire faire à des gens. Au nom de l’amour, aucun acte ne peut constituer un obstacle réel. Des gens se suicident pour l’amour, on peut donc se faire ôter une partie de soi pour la même raison. En outre, j’ai opté pour un titre éponyme parce que je conçois le livre comme un produit à l’instar de tout autre. De nos jours tout produit a besoin de marketing pour passer auprès du consommateur et le livre rentre dans ce canevas. J’ai donc trouvé un titre choquant qui pousserait les gens à s’intéresser à ma production.

Votre œuvre est un recueil de 9 nouvelles publiée aux éditions Matrice. Ces nouvelles se conjuguent au temps de l’amour. Le choix de ce thème relève-t-il d’une âme amoureuse ou est-ce  juste parce que l’amour se vend mieux?

Je me suis toujours attendu à cette question. L’amour est certes un thème qui se vend bien, mais je conçois aussi que tous autant que nous sommes nous avons une place pour l’amour dans notre cœur. Par conséquent, nous avons chacun nos petites expériences quotidiennes qu’il nous plaît de lire dans des textes. Cela nous soulage de savoir que nous ne sommes pas seuls à vivre ces joies et ces peines. Voici pourquoi j’ai opté pour ce thème.

Revenons-en à la nouvelle qui donne son titre au recueil…quelle est la vision du mariage que vous voulez donner à vos lecteurs à travers cette nouvelle ?

Cette nouvelle porte sur le mariage et l’engagement personnel que chacun des membres du couple doit avoir. Lucie a respecté sa part de contrat mais Bakayoko, son mari, non. Il s’est laissé mener par le bout du nez par sa mère, il a refusé de faire un test de fertilité, il a manqué de patience et il a pris une autre femme. En fin de compte, il sort perdant sur toute la ligne. S’il avait dialogué, s’il avait su se séparer de sa mère, il en aurait été autrement. Voici le message que je voudrais faire passer.

Dans la deuxième nouvelle à la page 33 vous écrivez ceci : ‘’ … les femmes ne s’intéressent aux hommes que quand ils ont réussi’’,  pourquoi fustigez-vous ainsi la gente féminine, alors qu’il existe des femmes qui  participent à la réalisation de leurs hommes. D’ailleurs vous reprenez pratiquement ces mots dans votre huitième nouvelle.

D’abord ces propos sont ceux de Patrick et non les miens. Le Blanc recherchait des arguments pour redonner le goût du travail au jeune Moyé. Viviane, la fille qu’il courtise est issue d’une famille aisée, elle ne se laissait pas aborder parce que le jeune homme ne venait pas de son milieu. Il fallait que qu’il trouve un moyen d’encourager son protéger. Ces mots étaient sensés l’amener à se hisser au niveau de la fille.

Dans la deuxième nouvelle, ‘’Une délicieuse vengeance’’, vous abordez une question d’éthique : le recours à la chirurgie  plastique pour refaire le visage de Moyé envers qui la nature n’a pas du tout été généreuse. Quel est  l’enseignement que le lecteur doit en tirer ?

Je ne pense pas qu’il y ait une leçon particulière à tirer pour le lecteur dans le fait que Moyé ait eu recours à la chirurgie plastique. Cette intervention est due à un concours des circonstances. Le jeune a eu un accident qui l’a rendu plus laid, il avait besoin de se refaire une personnalité avec un nouveau visage.

Depuis que Moyé a un beau visage, toutes les filles n’ont d’yeux que pour lui. L’image que vous donnez à la femme n’est pas reluisante monsieur l’écrivain.

Pour moi la femme est elle-même l’expression du Beau et elle aime tout ce qui a rapport avec l’esthétique. En extrapolant, je pourrais poser cette question : « Qui n’aime pas le beau ? » Les belles personnes font l’objet de beaucoup d’intérêt de la part des autres. Alors, dire que les femmes aiment les beaux hommes, ce n’est point en mon sens les rabaisser.

La plupart des histoires que vous évoquez ici sont des amours interdites qui se terminent toujours dans les flammes. Pourquoi ces épilogues ? Pourquoi tant de pessimisme?

Je ne suis aucunement pessimiste. Je rappelle le titre d’origine : ‘’Les vertiges de l’amour’’. Evidemment, le vertige n’a jamais de bons résultats sur l’esprit de celui qui vit cet instant. Dans ce livre l’amour donne le tournis tout le vertige. Il n’y a que quand ce trouble est passé que l’on se rend compte des dégâts. Par ailleurs, ‘’Une délicieuse vengeance’’, ‘’le sacrifice d’une mère’’, ‘’l’amour d’un brigand’’, ‘’ La femme du génie’’ s’achèvent en mon sens sur une note heureuse. Pour les deux du milieu, cela n’est pas évident, mais il faut croire que la porte reste ouverte à l’espoir pour les amoureux.

Toutes vos histoires se déroulent ou débutent pratiquement dans la ville de Yamoussoukro. Pourquoi une telle restriction de l’espace ?

L’écrivain doit se servir d’outils qu’il maîtrise. J’habite Yamoussoukro depuis dix ans et je crois pouvoir en parler de façon plus aisée. Je trouve  aussi qu’on parle très peu des villes de l’intérieur dans les œuvres ivoiriennes, alors j’ai voulu réparer un semblant de tort.

On vous découvre, à travers vos nouvelles, comme un homme fou amoureux du teint noir. Un commentaire ?

C’est une question devant laquelle je suis à l’aise. Le phénomène de la dépigmentation fait ravage dans notre société à telle enseigne qu’on finit par ignorer que la femme africaine s’assimile à ce beau noir luisant qu’elle s’échine à faire briller par des produits naturels. Il faut revaloriser le teint noir pour que nous réapprenions à l’aimer.

Quel est le message fondamental que nous devons retenir de votre recueil de nouvelles ?

Merci. Je voudrais qu’on retienne de ce recueil de nouvelles que l’amour est un sentiment fort qui peut conduire à des agissements extrêmes. Il faut savoir le doser afin d’arriver à ses objectifs. Il ne faut pas juger une personne qui agit au nom de l’amour, car quiconque raisonne n’est pas amoureux.

Interview  réalisée

Par Atté Sostène

In Le Nouveau Courrier du Vendredi 22 mai 2015