LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE 2

LE SANCTUAIRE D'ETTY MACAIRE 2

Jusqu’au bout de l’enfer de Françoise N’dah D’Assise : Pour que l’amour guide l’humanité

 

N’Dah D’Assise, l’habile prosateur, revisite à travers ce récit riche en symboles le mythe de Yassouabla (femme garçon) cette fois-ci dans une visée à la fois philosophique et moralisatrice.

 

 Depuis la publication de son livre Le Jour où la Vie M’a Fait Pleurer, François N’dah D’Assise surfe sur le terrain de la spiritualité et de la philosophie. Ses récits sont marqués par de profondes réflexions sur les  mystères de la vie. Jusqu’au bout de l’enfer en est une illustration.

Yassoua-Bla, dans la mythologie akan, renvoie à une personne androgyne. Maurice Bandama avait d’ailleurs exploité le mythe dans son oeuvre Le Fils de la Femme-mâle. François N’Dah D’Assise dans ce conte, Jusqu’au bout de l’enfer,  avec une démarche sienne, arpente le même chemin en vue d’en tirer d’autres enseignements pour le bonheur de ses lecteurs. Le mythe, on le sait, appartient à la communauté, aux artistes d’en savoir tirer profit en le renouvelant.

N’Dah situe son conte à Blolo. Yassoua-Bla était un enfant prédestiné. Doté d’une personnalité atypique, il alternait hebdomadairement féminité et masculinité. Homme cette semaine, il devenait femme la semaine suivante ainsi de suite. Mais un jour, il est sommé de quitter les siens et aller par delà forêts et contrées, à dessein de pouvoir choisir son sexe. Définitivement. Lors de son périple, il vit et subit une multitude d’épreuves. Il est livré aux vents furieux de la guerre, de la prison, de la méchanceté et même …de la mort. Un coup de fusil tiré sur lui, provoque le retrait de la femme en lui. Et le voilà définitivement homme. Mais depuis lors, il se sent écartelé et fragilisé. Le besoin tyrannique de retrouver l’autre partie de lui-même le relance sur la route de l’aventure.

Yassoua-Bla, avant la douloureuse séparation, reflète l’homme originel et complet. En lui réside le mystère de la dualité, le grand principe de la vie. C’est pour cette raison qu’il s’est lancé à la quête de Moayé Bla, la femme qui était en lui et avec lui au depart. Les épreuves qui se dressent sur son chemin ont une valeur initiatique. Il fallait qu’elles surviennent pour qu’il murisse. La soif de l’homme (yassoua) de retrouver la femme (bla) relève de la nature elle-même. Chaque portion du personnage constitue une tranche sans laquelle l’être humain ne peut être. . Autant sans l’âme, le corps est une carapace sans energie, autant sans l’homme, l’homme n’est qu’un animal.

Le conte de N’Dah se veut un hymne à l’union et l’amour. L’écrivain ivoirien qui a été témoin des heures de déchirement de son pays cherche à nous enseigner que dans l’isolément, l’ivoirien et par delà l’être humain est sans pouvoir. La politique politicienne qui a exacerbé l’égoïsme et l’individualisme doit céder la place à l’harmonie. C’est ce que va faire la cité d’Ahoundjuèklo : « Il était devenu une nation …pacifique et hospitalière. Les habitants avaient mis ensemble leurs rêves et en avaient fait un énorme bouquet d’espérance. » (p121)

Selon, Aristophane, dans Le Banquet de Platon, autrefois ne vivaient que des androgynes. Forts de leur double nature, ils tentèrent de mettre en mal l’autorité des dieux. Alors, pour les punir, Zeus les sépara en deux : d’une part un homme et d’autre part une femme. L’amour donc entre les deux sexes traduit le sentiment de nostalgie de notre ancienne nature et une quête désespérée de l'unité perdue. Pour Omraam Mikhaël Aïvanhov « Toute naissance est le produit du travail des deux principes : le principe masculin, principe émissif, ensemence, donne le germe de la vie. Et le principe féminin recueille, organise pour produire une œuvre achevée, parfaite (…) C’est grâce au travail des deux principes que la vie est possible ».

François D’Assise N’Dah s’inscrit clairement dans cette vision de la vie. Se servant du prétexte d’un conte il nous ouvre les portes du monde du sacré et de la spiritualité. Pour le lectorat du continent africain, terre de déchirures et de blessures, ce livre est une invite à entrer en soi-même pour découvrir le chemin de la lumière et de la sagesse.

Jusqu’au bout de l’enfer est un récit organisé autour de 21 chapitres assez brefs. L’option de la brièveté assure au lecteur le confort de la lecture. L’écrivain N’Dah, en bon pédagogue, coule son enseignement dans la moule d’une narration succulente parsemée de symboles et d’énigmes, portée par des phrases simples et attrayantes. Du point de vue esthétique, la force de ce livre est d’avoir réussi le pari de la simplicité et de la profondeur.

 

Etty Macaire

François d’Assise N’Dah, Jusqu’au bout de l’enfer, L’Harmattan CI, conte, 2013

 



10/07/2015
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